Retrait, distance:

Les gens qui font du 5 ont tendance à approcher la réalité avec une certaine distance et à demeurer suffisamment peu impliqués dans les situations pour pouvoir s’en extraire au besoin.  Ils recherchent une place d'où ils peuvent observer sans être en danger et d'où ils peuvent participer sans s'engager.

Sa position de retrait fait de lui un observateur si attentif du jeu social qu'il peut arriver à connaître parfaitement les mécanismes sociaux et à devenir alors capable de s'intégrer dans la société pour y jouer son rôle pleinement mais avec détachement, c'est-à-dire sans rester identifié à ce rôle.

La non-implication, être juste un observateur, est un moyen d'assurer que l'on n'est pas envahi. Leur île est protégée par la distance, non par l'hostilité ou l'apaisement. Les 5 ont également peur d'être intrusif. Comme les 5 ont peur d'être envahi, ils craignent d'envahir les autres.  

Les 5 se retirent aussi parce qu'ils ont besoin de plus d'informations ou de sécurité, le puzzle n'est pas complet (« je serai en sécurité si je reste à l'écart des autres »). Ils ont tendance à se retirer dans la sécurité de l'esprit où ils peuvent préparer mentalement leur apparition dans le monde. Ils peuvent se rendre injoignables et dresser des murs entre lui et les autres.

Le 5 n'est pas très conscient de sa vie intérieure. L'isolement psychologique du type peut être compris comme une habitude consistant à se désengager des émotions pour observer. Ce mode d'attention habituel est encore plus évident dans les moments de stress, d'intimité ou dans les situations imprévisibles qui demanderaient une réponse spontanée.

Avec les autres, le 5 est le plus souvent en retrait et ne tient pas trop à être remarqué.  Ils peuvent également éviter de s'étaler de façon prétentieuse. Ils n’aiment pas se mettre en avant, ni être regardé. Ils peuvent être des ermites, menant une vie recluse, et habituellement mentale, dans les limites d'une petite maison, quitte à s'aventurer seul jusqu'à la bibliothèque et le magasin.

Un aspect de détachement pathologique est l'attitude distante caractéristique de Enneatype V; c'est un homme habitué à être solitaire et qui, par résignation en ce qui concerne les relations, ne se sent pas particulièrement solitaire.

La raison sous-jacente pour éviter le contact, c'est que les 5 n'ont pratiquement aucun moyen de défense contre la confrontation. Les 5 disent qu'ils inventent des moyens élaborés pour créer une distance de sécurité, parce que si la personne s'approche trop près d'eux, ils ont perdu leur principal moyen de défense.

Les châteaux et les prisons sont structurellement identiques. Tous les deux sont pourvus de hauts murs, sont entourés de douves et ont tendance à être situés à des endroits en hauteur difficiles d'accès. La différence principale entre les deux est que les châteaux sont conçus pour garder les gens à l'extérieur, et les prisons pour les garder à l'intérieur. Quand les 5 se désintègrent, ils vivent dans une forteresse mentale qui les retient parfois prisonniers dans un isolement défensif.

Ils doivent faire attention à leur tendance à observer le monde à travers un judas. Elle peut les maintenir isolé et hors de contact avec les préoccupations humaines. Ils ont tendance à rester à l'écart préférant rencontrer le monde avec leur esprit.

Les 5 doivent détecter les moments où leur besoin de prendre de la distance devient pressant. Ils doivent alors résister à l'envie de s'exclure du jeu et faire un geste concret pour se forcer à rester avec les autres, qu'il s'agisse de s'attarder pour vérifier le planning ou de prendre un siège au lieu de quitter la pièce.

Une fois qu'il aura ainsi maîtrisé son désir de fuite, la personne devra se demander « Ou en suis-je ? ». En sondant ainsi ses sentiments, il évitera de les perdre de vue à force de trop les intellectualiser.

Détachement, dissociation et isolation:

D'habitude, la dissociation signifie penser en mots et en images mais sans émotion ou sans sensations corporelles. Alors que nous nous dissocions tous dans certains aspects de notre vie, les 5 pratiquent cela comme un mécanisme de défense général, souvent pour se protéger d'être envahis.

Une caractéristique de la dissociation est d'avoir du retard dans les réactions et les 5 sont connus pour cela. Si vous vous disputez avec un 5, vous allez constater qu'il a un rythme de réaction différent du vôtre. Cela vaut parfois la peine de lui donner du temps et de l'espace, d'aller faire le tour du quartier et d'attendre sa réaction car son processus peut être plus lent que le vôtre.

Ceci a lieu parce que les 5 font des détours par leurs canaux visuels et auditifs pour accéder à leurs sentiments. Quand quelque chose se passe, ils peuvent avoir besoin de s'en faire une image et d'en parler avec eux-mêmes. Ensuite ils ont davantage d'images mentales, davantage de dialogue intérieur, et ainsi de suite.

C'est une sorte de stratégie par « ruissellement » pour finalement aboutir à comment ils se sentent : "Je ne traite pas rapidement les événements traumatisants. J'ai tendance à observer les événements plutôt que de les enregistrer. De par mon caractère, je suis incapable de tirer des conclusions rapides de ce que je vois."

Par ailleurs, il n’est pas rare que les personnes de base 5 aient un sentiment généralisé de méfiance lorsqu’il s’agit d’aller faire part de leurs préoccupations émotionnelles à des tiers puisqu’ils « ne peuvent pas comprendre ce que je ne comprends pas moi-même ».

Le mécanisme d’isolation consiste à opérer une coupure entre la réalité du vécu subjectif, de l’expérience, et un univers mental plus sécurisant. Ce mécanisme d’isolation fonctionne également dans leur univers intérieur, et les individus qui font du 5 éprouvent souvent une sorte de coupure entre eux-même et leurs émotions, qui par définition sont incompréhensibles, puisque perpétuellement changeantes et par nature intrinsèquement irrationnelles.

Cette coupure interne des ressentis émotionnels a pour objectif de les protéger de la dépression qui guette lorsque surgit la question : « si je ne comprends pas ce qui se passe en moi, alors comment comprendre le monde tout entier et y prendre ma place ? ». En règle générale, cette coupure s’opère en remettant à plus tard le fait de se questionner sur ses propres ressentis et en justifiant ceci par un leurre interne qui consiste à considérer que l’esprit est déjà occupé à gérer d’autres priorités, et que le ressenti du moment peut attendre.

L'isolation est un mécanisme de défense caractéristique de la névrose obsessionnelle, que l'on distingue du refoulement. Il consiste ainsi en la rupture des chaînes associatives menant au contenu à isoler. Le contenu est alors inaccessible.

- La coupure entre un fait, un événement (intérieur ou extérieur) et sa composante émotionnelle, seuls les processus mentaux restent à l’oeuvre

- La vie émotionnelle est conscientisée mais dissociée de la pensée en se disant « je m’en occuperai plus tard »

L’isolation joue aussi à l’intérieur de soi. « Je suis une tête qui flotte à 1 mètre 60 du sol », tout ce qu’il y a en dessous (les émotions qui viennent du cœur, les instincts qui viennent des tripes) est également analysé et classé en catégories, mais n’est, en règle générale, pas exprimé. C’est pourquoi la manifestation d’émotions fortes (tristesse, colère, peur) ou de certains messages du corps (faim, fatigue, envie de se dépenser) peut générer une forme de malaise qui a tendance à renforcer les individus de cette Base dans leurs tendances de détachement de soi. « Il se passe des choses en moi que je ne comprends pas et que je n’arrive pas à contrôler, je vais donc les ignorer ».

Cette tendance à la coupure avec l’univers émotionnel est à mettre en lien avec la croyance d’être émotionnellement vulnérables, et une peur d’être complètement débordés par leurs émotions. Aussi intellectuels qu'ils soient, ils se sentent souvent vulnérables et exposés comme un animal sans fourrure.

S'il se produit quelque chose d'étonnant ou d'émotionnellement intense, un 5 peut entrer dans un état de choc où il est comme lyophilisé, et sa réaction peut être encore plus lente à faire surface. Ils ont appris à se couper de leurs émotions dès qu'elles apparaissent et à se les remémorer plus tard, au moment de leur choix pour les analyser. Ils se sentent ainsi moins vulnérables, croyant contrôler leurs états d'âme.

Les 5 sont généralement un peu réservés quand il s'agit de l'expression émotionnelle, mais ont souvent des sentiments plus forts que ce qu'ils laissent voir. Ils deviennent détachés bien que nerveux et exaltés. Peu de gens savent ce qui se passe sous la surface.  Les 5 ont peur d'être émotionnellement vulnérable, ils manquent d'une certaine résilience à cet égard. Ils détestent aborder la question de leurs sentiments avec autrui et apparaissent comme des gens très froids, distants, pudiques, rationnels et cartésiens.

Quand ils sont seuls, les 5 peuvent se connecter aux émotions générées par leurs expériences dans le monde extérieur. Certains pensent aux émotions, d'autres les vivent. Mais même dans ce dernier cas, il ne s'agit pas d'émotions véritables : une émotion vraie est ressentie dans l'ici et maintenant, sans la nier, la diminuer, l'amplifier ou la prolonger.

Dans leurs moments d'isolation, les 5 pensent aux informations qu'ils ont collectées à l'extérieur et les analysent. Mais pour être pleinement intégrée, une information doit être connectée au corps, aux émotions et au sens de l'identité. C'est à cause de cette absence de connexion intérieure que les gens perçoivent souvent les pensées et les émotions des 5 comme froides et artificielles.

Les Cinq ont une grande soif de savoir, ce qui les conduit à traiter le domaine émotionnel de façon cérébrale. C’est dans la solitude qu’ils parviennent à analyser ce qu’ils vivent. Les émotions sont gênantes à plusieurs titres, mais d'abord parce qu'elles empêchent de penser. C'est pourquoi une personne en 5 les mets de côté pour les examiner... plus tard à tête reposée.

Il s'agit également de conserver les différentes parties de l'expérience discrètement groupées en catégories distinctes. C'est comme avoir une bibliothèque interne où classer ses émotions et réactions, et les ranger sur différentes étagères. L'objectif est de se sentir à la fois en sécurité et de rester maître. Le 5 peut s'intéresser aux autres comme on s'intéresse à une machine très perfectionnée.... et les mettre dans ses cases. Lorsque ils sont classés dans le compartiment numéro un alors ils doivent rester dans le numéro un. Il ne peut y avoir d'histoire de genre dans leurs réflexions tant ils sont détachés de tout.

Ils nourrissent l'illusion que leur détachement émotif est un gage d'objectivité et de vérité. Cependant, de plus en plus isolé-e, ils deviennent quelque peu déconnectés de la réalité concrète. Ils sont habités par des émotions profondes mais qui sont d’emblée dévalorisées au profit des idées.

Pour se protéger, ils essayent de supprimer leurs émotions, ou tout au moins de les réduire considérablement. Claudio Naranjo parle de "non-émotivité" et explique ce concept ainsi : "C'est lié à la perte de conscience des émotions et même à une perturbation de la création des émotions". Helen Palmer dit que les 5 "se décrochent de leurs émotions". Don Riso les décrit (aux niveaux intermédiaires) comme des "cerveaux désincarnés" qui "se défendent de toute implication émotionnelle". Hurley et Donson affirment qu'ils "ignorent le monde des sentiments personnels".

Quand une émotion surgit, elle a automatiquement et immédiatement des contreparties dans les centres mental et instinctif. Par exemple, si vous êtes triste, vous ruminez des idées noires et votre corps ressent une énergie pesante. Si vous essayez de supprimer la tristesse, vous ne pouvez y réussir que temporairement car les centres mental et instinctif restés inchangés recréent l'émotion. Pour arrêter leurs émotions, les 5 n'ont donc pas d'autre choix que de réprimer la totalité de leur fonctionnement intérieur. Cela génère alors la sensation de vide intérieur qui effraie les 5 et qu'ils essayent compulsivement d'éviter. Leur mécanisme est « je ne sens rien ».

Intérieurement vide et incapable de demander plus, ils deviennent extrêmement attaché au peu qu'ils ont: quelques souvenirs pour remplir l'espace vide, et quelques idées infiniment précieux pour nourrir l'esprit affamé.