Il y a un défi chez les NFJ, c'est de trouver l'équilibre entre bienveillance rationnelle (FJ et SP, Fe-Se) et honnêteté intellectuelle (NJ et TP, Ni-Ti). La plupart des NFJ le règle : pour les ENFJ, la pensée Ti est suspendue le plus longtemps possible et l'usage de leur ''Fe'' est conforté, quitte, dans les cas extrêmes, à repousser toute remise en question et à engendrer des nourricières ou des meneurs intransigeants et butés ; l'INFJ apprend davantage à faire de ce ''Ti'' un renfort, parce qu'il verra davantage les effets pervers et aliénants d'un ''Fe'' et peut devenir ambivalent entre un idéalisme borné et un scepticisme envahissant. Mais dans les deux cas, les NFJ sont disposés à devenir des ''propagandistes'', prenant les rênes pour donner une enveloppe adéquate à une cause ou un archétype social (ENFJ, dominés par Fe) ou alimentant de façon plus éthique et idéologique un dogme ou une cause (INFJ, dominés par Ni).

Il y a chez ''Fe'' un côté moutonnier. La préservation de l'harmonie ou des intérêts subjectifs de l'environnement amène forcément à accepter beaucoup de carcans. C'est surtout vrai chez les Fe dominantes, qui sont en quelque sorte ''dépendants'' à l'environnement et au feed-back de celui-là ; c'est plus clair aussi chez les SFJ, les types les plus conservateurs de tous. C'est effectivement moins évident chez l'INFJ, mais il ne faudrait pas fantasmer ce type pour autant, car Ni-Fe peut également former des petits assistants dogmatiques, des idéologues et des gardiens du temple ; en particulier, à l'instar de l'INTJ, l'INFJ peut devenir le prototype de l'intellectuel désincarné, vivant dans une société ''académique'' le protégeant du Monde et de sa violence.
Si cet aspect peut rendre les INTJ particulièrement irritables, notamment auprès des SP, parce que leur ''génie'' se passe d'un éventail de considérations essentielles (bien plus que pour les INTP) ; l'INFJ lui peut devenir le faire-valoir d'un statut quo moral, défendant par humanisme des conceptions abstraites et n'ayant peu, ou plus de sens (retard sur l'Histoire immédiate) ; ou bien confondre les besoins du Monde et celle du Monde factice. Les NFJ en général peuvent être des renforts de ce type, dans toutes les sociétés.

Mon cas personnel n'a pas d'intérêt en soi mais par certains aspects il me permet d'ancrer et d'illustrer le paradoxe évoqué ici ; je pense que j'aurais pu devenir un ''Fe'' (fonction secondaire et lien au monde extérieur) très conformiste, très voué à son environnement et à des valeurs arrêtées, tout en continuant, en marge, à laisser naviguer mon esprit (ce qui m'aurait conforté dans un sentiment d' ''ouverture d'esprit'', même dans les situations où je l'aurais été le moins) ; d'autant plus en roue libre si la sécurité affective et sociale étaient assurées. Même si mon développement aurait été plus harmonieux, je suis heureux que la vie m'ait soustrait à une telle attitude. J'ai conservé une pureté de jugement qui ne m'empêche pas, aujourd'hui, de me montrer humain et moral, mais sans être attaché à une vision du juste restrictive, et surtout sans dépendances bloquant mon évolution interne. Je sais que c'est le terrain sur lequel j'ai longtemps pêché, et je me rappelle bien ces effets lors de mon adolescence, voir de mon enfance (auto-limitations pour maintenir la loyauté -ou un certain caractère ''absolu''- à un individu ou à une idée hors de soi, mais à laquelle on se lie ; un peu à la façon des FP s'inventant des adversaires ou des barrières) ; je pense que c'est le lot de tous les FJ, NFJ compris. C'est ce qui peut faire leur force, leur aplomb et leur confiance, mais pour ces NFJ parfaitement confortés dans leurs positions, et ancrés grâce à leur environnement, il y aura toujours, tôt ou tard, une chute, un retour au réel. Une période de doute. Les NFJ vont facilement être portés, avec Ni et Fe, à adopter des explications sur la réalité sociale à la fois fondées, pénétrantes, mais probablement biaisées, et à faire les leurs des idéologies, des croyances ou modèles extérieurs. Ils arrivent à accorder l'exigence et l'insatiabilité de leur Ni avec cet impératif Fe jusqu'à un certain point.

Il semble que les NFJ soient les plus propices à devenir « dépressifs » pour des raisons affectives ; ils peuvent de la même manière voir leur conception du Monde s'effondrer et alors perdre confiance en leur compétence à appréhender le Monde de manière ''holistique'', réalisant leur aliénation volontaire (de la même façon que les SFJ peuvent s'en vouloir d'être dépendants en raison de leurs engagements plus ''matériels'', de leurs services ou plus généralement de leur emphase à exercer des rôles sociaux traditionnellement exigés).

En politique, le ENFJ est l'archétype du grand leader de Gauche flamboyant, dominateur et impliqué, profondément idéaliste, bienveillant. C'est un conservateur en mouvement, car il préserve les intérêts de la communauté face à toutes les pressions ; seul un ENFJ peut déguiser une posture réactionnaire ou archaïque par un discours apparemment progressiste. Le story-telling a souvent recours à des constructions proches de la figure de l'ENFJ.

Pour schématiser, sa « part NJ » va asseoir une autorité sur sa capacité à appréhender l'ordre du Monde, imaginer et engager la réforme ; sa « part EF » va lui conférer non seulement un certain charisme, mais aussi une crédibilité en tant qu'homme du réel, y compris auprès des ''SP'' (qui risquent cependant plus facilement de le percevoir comme manipulateur, là où les NTP le verront comme naïf ou auto-complaisant).

Et c'est justement ces ENFJ qui, embarqués trop loin (il ont dépassé depuis longtemps le simple stade de la loyauté), ne peuvent plus se défaire de ce lien charnel à leurs idéaux. Alors qu'un IFP renonçant à ses valeurs principales et trahissant son ressenti, l'opprimant pour les besoins de l'environnement, ne pourrait fonctionner ; le ENFJ lui va se sentir se ''dissoudre'' du Monde s'il remet en question ce à quoi il est attaché. Un peu à la façon de son opposé l'ESTJ ; il sera arrivé dans la même posture, avec la même assise et les mêmes obligations (sociales mais aussi tacites, voir carrément psychologiques), mais probablement dans un lieu différent.

On voit ainsi facilement des ENFJ, ainsi que des INFJ, pris au piège de leurs adhésions, et chercher à moduler la réalité et les faits nouveaux tout en gardant leur vision ou leur modèle d'interprétation. C'est aussi ce qui peut les faire progresser et ouvrir leurs catégories. Paradoxalement, un certain souci d'honnêteté intellectuelle peut les appuyer ; il faudra pour eux développer leur ''Ti'' ; c'est plus dur pour l'ENFJ puisqu'il s'agit de son inférieure, et le résultat pourra paraître ''forcé'', néanmoins il fera, en dernière instance, un excellent effet grâce au charisme personnel et à l'implication des ENFJ dans leur posture (qui sembleront proférer une évidence – et parviendront, jusqu'en eux-même, à trouver l'angle confortant cette évidence : en France, Mélenchon est très représentatif de ce phénomène). Les INFJ risquent eux de prendre trop confiance dans cet appui et, comme il s'agit d'un renfort impersonnel, ils pourront apparaître dissuasif ; s'ils accordent trop leurs fonctions introverties, ils peuvent même devenir inquiétants ou délivrer des visions fantasques, ou extraordinairement maladroites (Eva Joly incarne bien ce problème).

Les NFP eux pourraient, dans le même contexte, faire davantage illusion, et de façon plus lisse, grâce à leur renfort ''Te'' s'appuyant sur les normes du Monde. Cependant, cette adhésion aux normes et principes sera davantage un simulacre ou une compensation intellectuelle ; l'honnêteté intellectuelle est davantage du côté des NJ et le dilemme pour eux peut être de l'ajuster ou de prendre assez de recul pour assimiler leur vision aux progrès en matière de ''vérité''. Les NP n'auront pas les mêmes scrupules ou les mêmes soucis ; pour les NTP, en particulier l'INTP, la question ne se pose même pas, puisqu'ils appliquent ''objectivement'', croient-ils, leurs grilles de lectures au réel, appréhendant effectivement un maximum de perspectives – et pouvant justement s'égarer en croyant trouver là la façon ''ultime'' de maîtriser la Raison et la vérité intellectuelle. Or, ils sont surtout en train d'étudier ce que un Ni considérerait comme ses multiples formes.

Personnalités ENFJ : Hugo Chavez, Mahmoud Ahmadinejad, Tarik Ramadan, Nelson Mandela, Mikhail Gorbatchev, Jean-Luc Mélenchon
Personnalités INFJ : Léon Trotsky, Louis Aragon, Eva Joly, Adolf Hitler

ENFP : Fidel Castro, Che Guevara
INFP : Cristina Kirchner

Kys, c'est pas mal d'ajouter quelque chose quand on remonte un topic vieux de trois ans.

Hard, modo relou depuis 2015.

Zogarok a écrit:

mais pour ces NFJ parfaitement confortés dans leurs positions, et ancrés grâce à leur environnement, il y aura toujours, tôt ou tard, une chute, un retour au réel. Une période de doute. Les NFJ vont facilement être portés, avec Ni et Fe, à adopter des explications sur la réalité sociale à la fois fondées, pénétrantes, mais probablement biaisées, et à faire les leurs des idéologies, des croyances ou modèles extérieurs. Ils arrivent à accorder l'exigence et l'insatiabilité de leur Ni avec cet impératif Fe jusqu'à un certain point.

Justement, je me posais une question en rapport à ce sujet, qui concerne l'ENFJ tout particulièrement. En fait, j'ai toujours vu le Fe et le Ni(-Ti) comme deux fonctions qui se contredisent. Le Fe est la fonction dominante de l'ENFJ, avec toutes les caractéristiques que cela induit (adhésion au système, aux valeurs communes, volonté de plaire à l'entourage  etc... ). Mais comment se manifeste le Ni à l'adolescence? En une sorte de "crise" sur ce en quoi il a toujours cru, un questionnement approfondi sur les normes, les valeurs régissant la société? Ou bien il utilise son Ni pour, comme tu l'expliques, donner des assises 'intellectuelles', subjectives et mûrement réfléchies à des conceptions du monde qui ne sont en vérité pas les siennes?
En bref, est-ce qu'un ENFJ est 'voué' à défendre les valeurs de sa société, sans avoir d'authentique retour critique sur celles-ci, ou peut-il en arriver à les rejeter et à chercher d'autres valeurs parce que son Ni(-Ti) lui fait voir toutes les imperfections de la société?

Une dernière question, ce serait sur les ENFJ et la rébellion, en particulier si on l'oppose à l'INFJ.

Zogarok a écrit:

je pense que j'aurais pu devenir un ''Fe'' (fonction secondaire et lien au monde extérieur) très conformiste, très voué à son environnement et à des valeurs arrêtées, tout en continuant, en marge, à laisser naviguer mon esprit (ce qui m'aurait conforté dans un sentiment d' ''ouverture d'esprit'', même dans les situations où je l'aurais été le moins)

C'est de cette façon que je me visualise le fonctionnement Fe-Ni. Un individu conformiste, qui cherche l'harmonie avec son entourage, s'approprie les codes sociaux et les croyances communes etc... mais qui, quand il se retrouve seul, quand il est confronté à son propre jugement, laisse naviguer sa subjectivité et se met à se poser des questions Ni-esque sur la morale, le sens (ou non) de la vie, sur les valeurs... il se mettrait à explorer ce qui se fait et se pense à l'extérieur de sa communauté, mais non sans une certaine crainte de ce que son entourage (parents, pairs) penserait de ses questionnements subversifs. Dans ce cas, serait-il capable de faire prédominer son Ni-Ti sur Fe-Se ? A laisser de côté sa 'peur' du jugement extérieur pour faire entendre sa subjectivité? Est-ce de 'peur' dont on peut parler pour un ENFJ (vs. l'ESFJ en fait)?

Je ne crois pas du tout que ENFJ a un côté moutonnier à cause du Fe. Mouton ou non dépend entièrement de la personnalité. Gorbatchev, par exemple, duquel on parle est une personnalité énorme qui est allé contre la tendance générale dans le parti communiste de l'URSS, pour avancer les choses, comme il les voyait. ENFJ est parfaitement capable d'approfondir et de former des valeurs très élevés, mais leur façon de les promouvoir sera plutôt "tout en maintenant l'harmonie au sein du groupe", sans semer la pagaille style "un rebelle". ENFJ va les promouvoir de l'intérieur du groupe.