2. La divinité du christianisme
Après nous être intéressés aux diverses religions du monde pour voir si, à tout hasard, elles ne comporteraient pas les marques d'une origine divine, nous avons conclu qu'aucune d'entre elles n'était digne de confiance, bien que toutes contiennent des éléments plus ou moins bons, et des préceptes moraux plus ou moins purs. Aucune religion n'est « totalement mauvaise », ou totalement contraire au christianisme. Mais nous ne recherchons pas le « plus ou moins » : nous voulons la vérité, rien que la vérité. Une doctrine qui contient 98 % de vérités, et 2 % d'erreurs, c'est comme un verre d'eau empoisonné à l'arsenic : il y a bien 98 % d'eau, un liquide tout à fait bon et nécessaire à la survie, mais ce sont les 2 % de poison qui vous tueront.
La question que nous devons nous poser, face à une doctrine comme le bouddhisme ou l'islam, ce n'est pas « Est-ce que cela me plaît ? », mais : « Est-ce que cela vient de Dieu ? Est-ce obligatoire pour moi de me conformer à ces enseignements ? », car c'est en effet la seule chose qui compte lorsque l'on doit choisir de suivre une religion ou non. Choisir sa religion selon ses goûts et ses envies, c'est faire preuve d'orgueil, c'est comme se prendre pour son propre dieu et décider arbitrairement ce qu'est « sa propre vérité » ; ce n'est pas ce que nous pensons de Dieu qui doit guider nos choix et nos inclinations, mais c'est bien ce qu'il pense de Lui, et ce qu'il pense de nous !
Saint Paul nous admoneste : « Mais qui donc est tu, ô homme, pour disputer avec Dieu ? Est-ce l'objet façonné qui va dire à celui qui l'a façonné : Pourquoi m'as tu fait ainsi ? » (Rm 9, 20). On entend parfois des récits hallucinants, de personnes qui passent du christianisme à l'islam en expliquant qu'elles « étaient gênées par le fait que Jésus-Christ soit à la fois homme et Dieu, et que Dieu soit composé de trois personnes et d'une essence » ; ces personnes se sont-elles demandées un instant : « mais Dieu, qu'en pense-t-il, Lui » ? C'est cela qu'il nous faut savoir : ce que Dieu nous apprend sur Lui-même et sur notre propre destinée, que nous ne serions autrement pas en mesure de connaître ni de comprendre.
C'est alors qu'après avoir examiné les diverses religions du monde, nous en venons au christianisme. Nous aurions pu, comme certains apologistes le font parfois, commencer par démontrer la divinité du christianisme, pour ensuite conclure naturellement de la fausseté des autres religions. Mais nous avons voulu faire le raisonnement inverse : en examinant succinctement les différentes religions et en présentant les caractères essentiels de leurs doctrines et de leurs fondateurs, nous serons désormais en mesure de distinguer avec plus d'acuité ce qui fait la spécificité du christianisme par rapport à toutes les autres religions.
Il nous faut insister beaucoup sur ce contraste, car en effet, le relativisme religieux de l'époque moderne repose sur ce présupposé, erroné et malhonnête, qui veut que le christianisme soit « une religion comme les autres », qui n'ait ni plus ni moins d'origine divine, qui ne soit pas moralement supérieure aux autres ni ne mérite aucun crédit supplémentaire. C'est faire fi de la notion même de vérité, c'est donner les mêmes droits à la vérité et à l'erreur ; funeste dessein que voici. Pour lutter contre l'ignorance profonde dans laquelle la société moderne nous plonge, cherchons plus avant à comprendre pourquoi il est faux de dire que "toutes les religions se valent".
1- Les documents de la Révélation et leur valeur
La première étape de notre raisonnement consistera à établir avec certitude que les documents fondateurs du christianisme sont dignes de confiance. En effet, avant de se servir d'un document comme d'une source fiable, il faut en contrôler le contenu pour s'assurer qu'il est : 1- intègre, c'est à dire qu'il n'a pas été altéré par une seconde main et qu'il reste conforme, pour l'essentiel, au manuscrit originel (il y a deux sortes d'intégrité pour un document : l'intégrité absolue, celle du « mot à mot » ou presque, et l'intégrité substantielle, lorsque le document a conservé sa « substance », ses caractères les plus importants, malgré les altérations) ; 2- authentique, c'est à dire qu'il a réellement été écrit par l'auteur qu'on lui attribue, auquel cas il serait apocryphe ; 3- véridique, c'est à dire qu'il ne cherche pas à mentir ou à tromper, qu'il s'agit d'une production « digne de foi », et qu'en dernière instance ce qui est exprimé est conforme au réel. Rechercher les caractères de véracité d'un document présenté comme révélé consiste essentiellement à savoir s'il vient de Dieu ou non.
Il s'agira par la même occasion de montrer à quel point la Bible est différente des autres textes religieux évoqués jusqu'ici. Il est évident, pour quiconque a jamais étudié la Bible, serait-ce d'une manière très superficielle, qu'il ne s'agit pas d'un livre « comme les autres », d'une compilation quelconque de mythes et de fables d'un vieux peuple de l'antiquité, mais qu'au contraire ce livre comporte des caractères si singuliers qu'ils en font un document unique en son genre dans toute l'histoire de l'humanité. Pour considérer la Bible comme une « simple compilation de mythes », il faut commencer à l'étudier en ayant déjà des a-priori, des jugements préconçus sur la valeur du témoignage qu'elle comporte, c'est à dire à l'étudier avec des lunettes déformantes qui empêchent de la voir telle qu'elle est.
Certains universitaires modernes prétendent faire preuve « d'objectivité » en excluant a-priori toute possibilité d'une Révélation divine, en s'échinant à trouver des interprétations purement humaines sur la forme et le fond des récits développés, et en voulant trouver dans le moindre mythe païen qui comporterait des ressemblances avec les récits bibliques une « preuve » que la Bible est une compilation de mythes plus anciens. Ce n'est pas de l'objectivité, bien au contraire, c'est un parti pris idéologiquement très chargé, et lourd de conséquences. Ces pauvres gens oublient un paramètre considérable dans leur examen des textes bibliques : Dieu existe, comme nous l'avons expliqué à l'aide d'arguments philosophiques indiscutables. Que Dieu existe ne signifie pas obligatoirement qu'il soit l'auteur de la Bible, mais cela implique tout du moins que l'on prenne en compte l'éventualité d'une origine divine de ces textes, puisque c'est ainsi qu'ils se présentent eux-mêmes, comme des textes inspirés. Il faut au moins avoir l'honnêteté de se poser la question.
A- Le Pentateuque, fond originel de la Révélation divine
Le Pentateuque est ainsi nommé parce qu'il contiens 5 livres (penta + teuchos ; ce terme nous viens de la traduction grecque de l'Ancien Testament, la Septante), à savoir : 1- la Genèse (du grec « genesis » : création, origine) qui raconte les origines du monde et l'histoire primitive d'Israël ;
2- l'Exode, qui raconte la sortie des Juifs de la terre d'Égypte ; 3- le Lévitique, ainsi appelé en référence aux « lévites » qui sont les prêtres israélites, qui consigne les lois que ces prêtres doivent appliquer concernant le culte et les rituels ; 4- le livre des Nombres, dont le nom fait référence au dénombrement des Israélites qui a lieu au début du livre, mais qui raconte principalement le voyage du peuple d'Israël entre le mont Sinaï et la pleine de Moab ; et enfin 5- le Deutéronome, ou « seconde loi » en grec, un livre qui contient une récapitulation des lois déjà données, ainsi que d'autres récits sur la suite du voyage des israélites. Ce sont ces cinq livres que les Juifs appellent « la Loi », ou la Torah, parce qu'ils contiennent la législation mosaïque.
1. Intégrité du Pentateuque
Vérifions désormais l'intégrité du Pentateuque : le problème auquel nous nous heurtons est l'antiquité considérable du document, qui complique la tâche lorsqu'il s'agit de savoir si le Pentateuque du VIe siècle avant J.-C. est bien identique à celui de l'époque de Moïse. Il est évident qu'un document aux origines si anciennes ait difficilement pu nous parvenir tel quel sans subir quelque altération. Mais de là à prétendre que le Pentateuque a été « créé » à Babylone lors de l'exil des juifs, comme le font les exégètes modernes … certaines règles de prudence élémentaire nous éloignent d'affirmation aussi hardies. La fantaisie et l'irréligion des chercheurs modernes a donné lieu au cours des deux derniers siècles à toutes sortes de théories alambiquées et invraisemblables sur la rédaction du Pentateuque, toutes ces théories ayant cependant pour point commun ce présupposé voulant que ce document était forcément rempli de mensonges et que Moïse ne pouvait pas en être l'auteur quoi qu'il en soit.
Pour autant que la prudence nous permette de l'établir, l'intégrité du Pentateuque est une intégrité substantielle : malgré les modifications et les ajouts réalisés au cours des siècles, les caractères les plus forts et les plus importants du document n'ont pas été altérés. Il est possible de signaler quatre sources de modifications du Pentateuque :
1- Des additions postérieures à la mort de Moïse (il est bien évident que Moïse n'a pas pu écrire lui-même le récit de sa propre mort) ;
2- Des gloses et des explications insérées dans les textes primitifs par des spécialistes de la Loi, dans le but d'expliquer des passages qui ne se comprenaient plus ou mal à certaines époques (ce procédé se nomme « interpolation » ; à de telles époques, la forme matérielle des livres ne permettait nullement des mises en pages complexes avec des « notes de bas de pages » ou des annotations séparées du texte principal, on ajoute donc parfois des commentaire directement dans le texte sans par ailleurs chercher à l'altérer ou le falsifier) ;
3- Des modifications concernant le style littéraire et les expressions, certaines étant devenues trop vieilles pour être comprises, et donc traduites en un langage plus moderne (ce qui fait penser à certains, ceux qui partent avec un a-priori antichrétien et antireligieux, et sans qu'il n'y ait par ailleurs d'autres éléments probants pour étayer une telle thèse, que les récits relatés dans le Pentateuque ont été créés à l'époque signalée par ces tournures littéraires) ;
4- De petites erreurs dues à l'inattention des copistes (fautes d'orthographe, de grammaire, ou plus fréquemment confusion entre des mots proches les uns des autres).
Nous n'avons aucune raison sérieuse de penser que le Pentateuque, qui renfermait toute la loi du peuple juif, ait pu être altéré autrement que sur des points accessoires, qui n'atteignent pas le fond de l'ouvrage. La seule raison qui a poussé les chercheurs modernes à considérer que Moïse n'avait pas écrit ce livre, à considérer que depuis des millénaires les juifs et les chrétiens se trompaient à propos de leurs livres les plus sacrés, n'est qu'un présupposé antireligieux sur l'inexistence de Dieu et/ou l'impossibilité d'une Révélation. La racine de tous leurs raisonnements est la suivante : « puisque Moïse n'a pas écrit le Pentateuque, alors il faut trouver un autre explication », exactement comme pour les chercheurs évolutionnistes qui partent du principe que Dieu n'existe pas. Ce n'est pas de l'objectivité, c'est un parti pris philosophique et idéologique très considérable … et très faux : prétendre que Dieu n'existe pas, c'est nier le monde réel et ses lois les plus usuelles.
2. Authenticité du Pentateuque
La question est maintenant de savoir si Moïse est bien le rédacteur du Pentateuque, ainsi que l'ont affirmé les juifs et les chrétiens pendant des millénaires. Ce sera l'occasion pour nous de discuter plus en détail des diverses thèses développées par les adversaires du christianisme, pour « trouver une autre explication puisque Moïse n'est pas l'auteur du Pentateuque ». La seule affirmation qu'ils émettent est cette idée que Moïse n'en est pas l'auteur ; pour le reste, ils ne sont incapables de se mettre d'accord sur l'auteur effectif et le mode de composition de l'ouvrage. Les savants rationalistes du XVIIIe et du XIXe siècle commencèrent à élaborer diverses conjectures, telles l'hypothèse documentaire, l'hypothèse fragmentaire et l'hypothèse complémentaire.
L'hypothèse documentaire prétend que le Pentateuque est une réunion de plusieurs documents dont deux principaux seraient le « document Jahviste », et le « document Elohiste », (du fait que dans la Genèse, Dieu est appelé en différents endroits « Elohim » ou « Yahvé »), et que le Lévitique et le Deutéronome sont deux documents distincts des autres et rédigés à des époques différentes. L'hypothèse des fragments pousse cette idée encore plus loin et prétend que le Pentateuque est une réunion de textes très différents et mal assemblés les uns avec les autres, d'où l'aspect « fragmentaire » qu'elle lui trouve. Enfin l'hypothèse des compléments parle de l'existence d'un « écrit primitif », composé vers le XIe ou le Xe siècle avant J.-C., et d'un autre écrit plus récent qui vient s'y ajouter.
Comme nous le disions, ces hypothèses sont biaisées, car elles partent arbitrairement du principe que Moïse n'a pas écrit le Pentateuque, sans le prouver, sans chercher à le vérifier vraiment, c'est simplement leur postulat de départ. Nous considérons qu'il n'y pas lieu de donner crédit à de telles hypothèses, et que ces écrits sont bien authentiques, pour les raisons suivantes :
A- L'examen des caractéristiques internes du texte ne nous permet pas sérieusement d'établir qu'il a plusieurs auteurs, au moins dans son origine substantielle. Les rationalistes prétendent que le Pentateuque est un ensemble d'écrits épars en se basant sur une critique interne biaisée par de mauvais postulats. Pour démontrer leurs thèses, ils allèguent : 1- les diversités de langue et de style qui indiquent des époques de rédaction différentes ; 2- L'emploi de deux noms, Elohim et Yahvé pour désigner Dieu ; 3- les doublets, c'est à dire des faits racontés deux fois et avec de petites nuances ; 4- les passages relatant des événements postérieurs à la mort de Moïse. Nous avons déjà dit que ces altérations sont explicables par les ajouts réalisés au court des siècles, qui n'altèrent pas pour autant l'intégrité substantielle du document (et quand bien même se seraient glissées des approximations historiques dans les notices des commentateurs, comme c'est le cas pour l'époque d'Abraham, ce ne sont que des ajouts annexes à la trame d'un récit qui nous vient certainement de Moïse).
Nous pouvons encore rajouter d'autres éléments pour répondre aux allégations des chercheurs athées : 1- La présence dans le texte de nombreux mots égyptiens ou coptes témoignent que son auteur a vécu en Égypte, ce qui est le cas de Moïse, et qui n'est pas pris en compte dans aucune des hypothèses rationalistes à notre connaissance ; 2- Les diversités de langues et de styles s'expliquent par différents facteurs : tout d'abord, la diversité des sujets abordés (textes de lois, prescriptions rituelles, récits historiques, leçons de morale, etc), ensuite, 3- le fait qu'il est très probable que Moïse se soit servi de scribes, de secrétaires qui écrivaient sous sa dictée, comme c'était d'usage courant de le faire à l'antiquité, enfin, 4- il est possible que les rédacteurs se soient servis de sources extérieures pour étoffer le récit originel, à propos des époques très anciennes relatées dans la Genèse (Histoire de Noé, d'Abraham, de Jacob, de Joseph…) Il suffit de considérer, comme l’Église l'a toujours fait, que le rendu final des textes que nous avons dépends de Moïse quand à ce qui concerne leur contenu essentiel, qu'ils n'ont subi aucune altération substantielle, les différentes scribes ou correcteurs des siècles suivants n'ayant aucune raison particulière d'altérer ou de détruire le sens originel des textes qu'ils se chargeaient de transmettre.
B- Tous les passages de l'Ancien Testament comme du Nouveau considèrent Moïse comme l'auteur du Pentateuque. C'est ainsi que l'a toujours présenté la tradition juive la plus ancestrale ; si l'on refuse à Moïse la paternité du Pentateuque, toute l’Histoire sainte devient inintelligible. Ainsi non seulement la tradition juive, mais aussi tous les textes chrétiens sont unanimes sur cette origine mosaïque du Pentateuque. Jésus-Christ, saint Paul et les différents Apôtres considèrent très clairement Moïse comme l'auteur de la Loi. Il faudrait donc que pendant des siècles et des siècles ces hommes se soient trompés sur des choses aussi essentielles, et aient fait reposer leur religion sur des mensonges, eux qui ne cessaient de défendre la vérité avec passion.
Et ces juifs si pointilleux sur les traditions, si scrupuleux quant à l'ancienneté de leurs rites, si soucieux de transmettre intact le dépôt de leur foi, auraient « inventé » un patriarche pour donner plus de crédit à des élaborations théologiques qui ne remonteraient pas à plus loin que l'époque de l'exil à Babylone ? Il serait déraisonnable d'envisager une telle chose. Pour qu'une telle hypothèse puisse avoir un tant soit peu de crédit, il faudrait trouver dans la tradition juive une voix divergente, une opinion alternative concernant l'origine du Pentateuque ; il n'existe pas de telle chose. Comment et pourquoi, à un moment donné de son histoire, le peuple juif aurait-il accepté spontanément et unanimement un mensonge d'une aussi grande envergure ? Inexplicable... Inutile de se tordre les méninges pour chercher des explications farfelues, pour chercher à tout prix à contredire les traditions monothéistes sous le prétexte qu'elles seraient forcément mensongères.
C- L'emploi de deux mots, Elohim et Yahvé, pour désigner Dieu n'implique nullement qu'il y ait pour cela deux sources ou deux auteurs différents. Les chrétiens et les juifs ont toujours utilisé plusieurs mots pour nommer Dieu, selon les attributs particuliers que l'on veut faire ressortir. Ces deux noms n'ont pas le même sens : Elohim désigne Dieu en tant que Créateur et Providence ; Yahvé désigne Dieu en tant qu'allié aux israélites, ayant contracté une alliance solennelle avec son peuple choisi. Enfin, une dernière remarque concernant les passages postérieurs à la mort de Moïse : il est évident qu'ils n'ont pas pu être rédigés par Moïse lui-même, et qu'ils sont des ajouts postérieurs à sa mort ayant pour but de compléter l'histoire et de rendre le récit plus intégral, ce qui ne modifie en rien la substance du document et ses enseignements principaux.
De ces différentes preuves, nous pouvons conclure qu'il n'y a aucune raison valable de nier l'authenticité mosaïque du Pentateuque, une authenticité substantielle, affirmée depuis la plus haute antiquité et perpétuée pendant des siècles, confortée par un examen exégétique de tout sérieux et de toute rigueur. Si donc vous êtes croyants, ou si vous vous intéressez sincèrement à la religion chrétienne, ne vous laissez pas troubler par ces discussions oiseuses sur les origines du Pentateuque, qui, premièrement, ne sont que des hypothèses (nombreuses et contradictoires les unes entre les autres) et ne peuvent pas prétendre à un autre statut, et secondement, sont émises par des savants qui, outre leur travail scientifique, font souvent part publiquement de leurs opinions antichrétiennes ou antireligieuses, qui leur viennent non pas de leur études scientifiques, mais bien de leurs préjugés et opinions personnelles, et c'est essentiellement pour cette raison qu'ils sont promus par les universités de notre époque.
Pour ce qui a trait aux énumérations historiques et ethnographiques (les fameuses « tables des peuples », les listes des ennemis d'Israël, etc, ou les récits de certains événements historiques), longues et fastidieuses, que l'on peut trouver par exemple dans la Genèse, elles ne sont certainement pas dues à Moïse, mais à des érudits d'époques plus récentes qui se chargeaient d'étoffer par leur science (souvent incertaine et approximative, du fait du manque de sources écrites sur les époques reculées), qui n'ont pas voulu modifier la trame du récit mosaïque mais ont voulu au contraire lui donner plus de force et de grandeur, pas toujours à bon escient mais en ne changeant rien d'essentiel aux enseignements du prophète. Quoi qu'il en soit, l’Église catholique a toujours enseigné qu'il fallait tenir la Bible non pas comme un livre de science ou d'histoire, mais comme le dépôt substantiel de la volonté divine et la révélation des grandes vérités surnaturelles qui auraient autrement été inaccessibles à l'homme.
3. Véracité du Pentateuque
Après avoir établi que le Pentateuque était un document intègre et authentique, dont la paternité substantielle est attribuable à Moïse, il nous faut désormais savoir s'il est digne de foi. En effet, que Moïse ait écrit ce texte ne nous indique pas directement qu'il soit d'origine divine, de même que le fait qu'il est à peu près établi que Mahomet est le rédacteur du Coran (qui semble être une compilation de ses discours récoltés par les premiers musulmans) ne le rend pas plus divin pour autant.
Un témoignage est véridique et mérite d'être cru lorsque le témoin n'a pas voulu tromper, et plus encore n'a pas pu se tromper. Quel intérêt Moïse aurait-il eu à tromper ses lecteurs ? Moïse écrivait pour son peuple, qui était autant que lui témoin et acteur des événements relatés, pour ce qui concerne les péripéties des israélites au sortir d’Égypte. Quand à ce qui concerne certains récits plus anciens, ils étaient probablement transmis de mémoire entre israélites, et seraient venus contredire les propos de Moïse s'il avait cherché à tromper. Ensuite, il est assez évident que Moïse n'a pas pu se tromper : il raconte des faits dont il a été lui-même le principal acteur, et qui auraient été encore une fois contredits par son peuple et par une ou plusieurs « traditions » alternatives, s'il y avait lieu de le faire.
Moïse affirme écrire sous l'ordre et sous le mandat de Dieu lui-même. Vérifier la véracité du Pentateuque consiste donc essentiellement à savoir s'il s'agit bien d'un document révélé. Il nous faut démontrer l'origine divine de la révélation contenue dans ces textes (d'abord une révélation primitive, celle qui concerne l'origine et la chute de l'homme, ensuite la révélation mosaïque qui concerne l'alliance entre Yahvé et son peuple). Pour chercher à établir son origine divine, nous discuterons des deux même points qui nous ont intéressé lors de l'examen des différentes religions, à savoir le fondateur et la doctrine qu'il exprime.
Quant au fondateur, la mission divine de Moïse ressort du fait que par son intermédiaire, et pour confirmer le rôle qu'il lui a fait endosser, Dieu opère de nombreux prodiges : sans entrer dans les détails, les dix plaies d’Égypte, la traversée de la Mer Rouge, la manne qui tombe du ciel dans le désert et l'apparition de Dieu sur le mont Sinaï sont les plus célèbres. Nous aurons l'occasion de parler plus longuement ensuite de ce qu'est un miracle et à quoi on peut le reconnaître comme tel. Contentons-nous de constater, pour le moment, qu'il est rare que des personnages s'attribuent des miracles, ce n'est pas quelque chose qui se fait à la légère, il est difficile de tromper les hommes sur de telles questions. Mahomet, qui prétend être un envoyé de Dieu, ne fait aucun miracle de ce genre, et ce que la tradition islamique appelle « miracle » n'a rien à voir avec ce genre de faits d'ordre explicitement surnaturel.
Enfin quant à la doctrine, il suffit pour faire apparaître la transcendance de la religion juive d'en signaler les deux traits essentiels : le monothéisme et l'idée messianique.
Ce monothéisme, cette croyance en un Dieu unique, cause première et intelligence ordinatrice du monde, seule entité qui soit digne d'adoration, est un fait unique dans l'histoire de l'humanité qui suffit à lui seul à classer la religion hébraïque hors de pair. Le zoroastrisme comporte une certaine idée de Dieu, mais sans renier par ailleurs de nombreux éléments idolâtres, la vénération de divinités annexes et même l'idée de l'existence de deux principes incréés, distincts et coéternels. Pour ce qui est de l'époque de l'antiquité, la religion juive est la seule religion véritablement monothéiste, et est en cela conforme au réel, aux enseignements de la raison tels que nous les avons établis dans les premières parties de notre développement.
Contrairement à ce que voudraient croire les athées, sans qu'ils soient capables de le confirmer par ailleurs, aucune cause naturelle ne peut donner une explication suffisante à ce monothéisme : ni la race, ni le climat, ni la langue, ni les circonstances sociales et politiques ne peuvent expliquer pourquoi il a fallu, à un moment donné, que ce peuple aie cru au Dieu unique et aie choisi de le vénérer lui seul. Tandis qu'il est facile de comprendre que le paganisme tire ses origines de la personnification des forces naturelles, qu'il sert aussi de justification à un certain ordre social et qu'il est un support d'expression artistique et symbolique, il n'est pas possible de comprendre pourquoi ces juifs auraient « créé » Dieu, plutôt que de vénérer de multiples entités comme le faisaient tous leurs voisins.
Les Juifs étaient entourés d'autres peuples très proches par tous les aspects de leur culture et de leur langue : les Assyriens, les Arabes, les Phéniciens et les Araméens sont tous de langue et de race sémite ; et tous étaient polythéistes ! Impossible d'expliquer une différence si radicale sans avoir recours à une explication surnaturelle. Mieux que cela encore : l'Ancien Testament atteste que les Juifs étaient eux-même très tentés par le polythéisme et l'idolâtrie, et qu'ils n'ont jamais cessé d'osciller entre l'adoration des idoles de leurs voisins et l'adoration du Dieu unique ; impossible d'expliquer que le peuple juif ne soit pas devenu définitivement idolâtre sans envisager une intervention surnaturelle directe de la part de Dieu. Sans l'enseignement de Moïse, le peuple juif serait resté un peuple païen parmi des milliers d'autres, et n'aurait pas eu ce destin si spécial que l'on lui connaît.
Enfin concernant l'espérance messianique : Moïse, et à sa suite les autres prophètes, ont déclaré que leur religion n'était pas définitive et qu'elle n'était qu'un stade préparatoire, qu'elle subsisterait sous une forme imparfaite et restreinte avant d'acquérir un caractère définitif et universel après la venue du Messie promis, de l'Envoyé de Dieu qui serait l'apôtre et le fondateur de la religion nouvelle, venant confirmer les enseignements des prophètes et des patriarches. L’espérance messianique consiste dans l'attente du « royaume de Dieu » qui s'étendra à tout l'univers, et dans l'attente de la venue de son « Roi », de son « Christ » (c'est à dire « oint », sous-entendu oint par Dieu en signe de sa bénédiction), qui conquerra le monde entier au vrai Dieu. La question qui se pose maintenant, pour pouvoir confirmer ou infirmer l'origine divine de l'enseignement mosaïque, est de savoir si cette espérance messianique s'est réalisée ou non. C'est ce que nous entreprendrons d'étudier, en cherchant à montrer que Jésus-Christ est bien le Messie promis et qu'il a maintes fois confirmé le caractère divin de sa mission (confirmant par là-même le caractère divin de la révélation mosaïque), après avoir dans un premier lieu établi que les documents de la Révélation chrétienne étaient dignes de foi.
B- Les Évangiles, principaux documents de la Révélation chrétienne
Tandis que le Pentateuque, du fait de sa grande antiquité et de l'aspect disparate de sa composition, peut poser quelques problèmes quant à l'examen précis de son intégrité et de son authenticité, il en est tout autrement des Évangiles qui sont des documents plus récents, plus simples et bien plus faciles à « défendre » contre les ennemis de la Foi. Ce sont les principaux documents de la Révélation chrétienne : ils racontent la vie et les œuvres de Jésus-Christ, et contiennent les principaux traits de ses enseignements moraux et théologiques. Les Évangiles sont au nombre de quatre, et sont attribuées soit à des Apôtres du Christ en personne, soit à des disciples direct des Apôtres : saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean. Nous allons désormais en examiner la valeur historique.
1. Intégrité des évangiles
La comparaison des retranscriptions des évangiles les plus anciennes et les plus diverses, telles les traductions arméniennes, éthiopiennes, géorgiennes, syriaques, coptes … révèlent que les seules altérations identifiables sont des erreurs et des variations minimes dues aux copistes, sans jamais qu'il soit enlevé rien d'essentiel au sens originel. Ceci n'a rien d'étonnant : ces textes sacrés suscitaient pour les chrétiens qui les recopiaient de tels sentiments de respect et de vénération qu'ils veillaient bien à n'en point altérer le sens, c'est pourquoi les altérations frauduleuses ou délibérément orientées sont rares et anecdotiques sur la masse des manuscrits anciens que nous avons pu retrouver. Les plus anciens fragments des évangiles que nous avons retrouvés datent du IIIe siècle, écrits en grec sur du papyrus, rédigés donc un peu moins de 200 ans après la rédaction des originaux, et sont tout à fait conforme aux copies antérieures qui en ont été faites, exception faites des petits détails linguistiques dont nous avons parlé. Nous avons aussi certaines citations des évangiles dans des écrits du IIe siècle, comme ceux de saint Justin ou de saint Irénée, qui attestent que les chrétiens du IIe siècle avaient bien accès aux mêmes documents que ceux des siècles suivants.
Notons par ailleurs que certains documents littéraires de l'antiquité n'ont pas de traces plus anciennes que le IXe siècle ou le Xe siècle, dans des manuscrits que nous devons au travail des moines copistes de l'époque carolingienne. Ainsi en est-il des écrits de Cicéron, Virgile et Euripide, dont on ne trouve aucune trace complète avant ces copies du haut Moyen-Age. Si ces athées et ces impies allaient au bouts de leurs raisonnements consistant à dire « qui sait si les évangiles n'ont pas été altérées, si elles ne sont que des histoires inventées par les chrétiens pour faire leur business ? », il leur faudrait aussi rejeter toute l’œuvre de Cicéron, puisque qui nous dit qu'elle n'a pas été falsifiée par ces moines obtus et malicieux de l'époque de Charlemagne ? Encore serait-il permis de douter de l'intégrité des évangiles si l'on n'en disposait pas de manuscrit antérieur au Moyen-Age chrétien. Mais nous avons des manuscrits bien plus anciens, comme nous le disions, ce qui rend ridicule toute allégation de ce type. Qui donc serait assez obtus et paranoïaque pour rejeter l’œuvre de Cicéron, dans une sorte de « négationnisme » radical, sous prétexte qu'on en trouve pas de copie avant le IXe siècle ? Et pourtant … combien sont ceux qui adoptent cette attitude insensée de refus des évangiles sous ces prétextes fantasmagoriques de « falsification ».
L'intégrité des évangiles est parfois mise en doute sur quelques points de détail : par exemple, l'évangile de Matthieu, que nous connaissons en grec mais qui comporte beaucoup de tournures de langue sémitiques, a vraisemblablement été d'abord écrit en araméen puis retranscrit en grec, ce qui laisse fantasmer certains sur les possibles « falsifications » qui auraient lieu entre le passage d'une langue à l'autre. Il n'y a pourtant pas lieu de penser à une telle chose, car l'on sait par ailleurs que les centaines de traductions qui eurent lieu ultérieurement n'occasionnèrent aucune altération substantielle. Ensuite, ci et là, on émets des doutes sur l'intégrité de tel ou tel verset susceptible d'avoir subi une interpolation, mais sans que jamais cela ne puisse porter préjudice à la substance du récit.
Si donc quelqu'un, 4 personnes ou 4 groupes de personnes, s'étaient mis en tête « d'inventer » de A à Z l'histoire de Jésus-Christ, telle qu'elle est retranscrite dans les Évangiles, il eut fallu que ces malfaiteurs aient agi avant le IIe siècle, et qu'ils aient été suivi par des milliards de naïfs qui retranscriront fidèlement leurs fables 1800 ans durant, sans en altérer la substance (car en effet, il est facile de montrer que les évangiles sont des documents intègres, au minimum depuis la période des premiers pères de l’Église), en bouleversant le monde entier dans ses fondements les plus essentiels uniquement grâce à ces quelques contes fabuleux inventés par des juifs ambitieux. Joli scénario ! Vraiment, si quelqu'un a « inventé » les évangiles et l'histoire de Jésus-Christ, cette personne est sans doute le plus grand génie que l'humanité aie porté, pour avoir su produire un si grand impact sur le monde.
2. Authenticité des évangiles
Quant à savoir qui sont les auteurs véritables des évangiles, il n'est pas non plus très difficile de prouver qu'ils sont biens ceux que la tradition désignent comme tels, contrairement à ce que veulent ces théories modernes pleines de fantaisies sur l'idée que chaque évangile est attribuable à plusieurs auteurs. Des théories qui partent du principe, arbitrairement, que saint Jean et saint Matthieu ne seraient pas les auteurs des écrits qu'on leur attribue depuis des siècles, mais simplement des noms choisis pour donner à ces écrits plus d'autorité ; comme ceux qui partent du principe que Moïse ne peut pas être l'auteur du Pentateuque.
Il est vrai toutefois que, selon les normes de l'écriture du monde hellénophone, les auteurs n'ont pas mis leur nom en tant que tel sur le document, ce qui peut laisser un certain flou quand à l'identification précise desdits auteurs. L'authenticité des évangiles doit être établie selon deux types d'arguments : 1- Les arguments extrinsèques, tirés du témoignage de l'histoire ; 2- Les arguments intrinsèques, tirés de l'examen du livre en lui même dans ses caractères littéraires, dans ses méthodes et dans les idées qu'il contient. Il s'agira aussi d'établir que la date de rédaction des évangiles est bien celle qu'on leur attribue traditionnellement, qu'elles sont donc le fait de témoins oculaires de la vie du Christ, ou de disciples directs des Apôtres.
A- Authenticité de l'évangile de saint Matthieu
Quant au témoignage de l'histoire : il ne s'est jamais levé une voix divergente parmi les chrétiens pour nier ou proposer une version alternative à la paternité de l'évangile de Matthieu (un peu comme pour Moïse et le Pentateuque dans la tradition juive ; tandis que par ailleurs, d'autres livres de l'Ancien Testament qui, bien que considérés comme inspirés, suscitent de grands débats au sein même des communautés juives et chrétiennes pour savoir qui en est le ou les auteurs exacts). Depuis la fin du IIe siècle, il est certain que toutes les communautés chrétiennes tenaient saint Matthieu, l'un des douze Apôtres du Christ, pour le rédacteur du premier évangile. Saint Irénée de Lyon est là pour en témoigner, vers l'an 185 : « Ainsi, Matthieu publia par écrit l'évangile chez les Hébreux, dans leur langue, tandis que Pierre et Paul évangélisaient Rome et fondaient l’Église » ; il évoque même ce détail que relevèrent ensuite les linguistes dans leur exégèse, à savoir que l'original de l'évangile de Matthieu est écrit en araméen (la lingua franca de l'Orient sémite), à l'intention des juifs, avant d'être ultérieurement traduit en grec.
Papias d'Hiérapolis (avant l'an 150) nous dit la même chose : « Matthieu réunit les paroles du Christ en langue hébraïque (comprendre : araméen), et chacun les traduisit comme il put ». (Ici « logia », qu'on a traduit par « paroles », peut s'entendre en grec comme un « discours » au sens large, « les paroles du Christ » pouvant être entendues alors comme un récit plus général sur la vie du Christ, c'est à dire les évangiles dont nous parlons). Il s'avère donc que Matthieu est indiscutablement l'auteur de l'évangile qu'on lui attribue : si les écrivains ecclésiastiques des premiers siècles lui en attribuent unanimement la postérité, cela ne peut pas être pour donner plus d'autorité à un ouvrage anonyme. En effet, saint Matthieu est un apôtre mineur, discret, qui ne jouit pas de l'éclat et de la superbe d'un saint Pierre, à qui l'on aurait mieux fait d'attribuer l'ouvrage si l'on avait voulu lui donner de l'autorité.
Ensuite, ce témoignage de la tradition est confirmé par une critique interne du livre, qui concorde parfaitement avec ce que la tradition nous apprends de l'apôtre Matthieu. On sait que l'auteur de cet évangile est un juif palestinien, dans la mesure ou l'indiquent les hébraïsmes, ainsi que sa connaissance précise des coutumes juives et de la Loi de Moïse, des écrits de l'Ancien Testament et particulièrement ceux des prophètes ; aussi, il décrit la Palestine et ses contrées avec minutie et fidélité, comme le ferait un natif. Sur le plan professionnel, il est probablement un publicain, c'est à dire un percepteur d'impôts pour le compte de l'empire romain, si l'on s'en rapporte à la compétence spéciale dont il fait preuve en cette matière, ainsi qu'à certains aspects textuels du récit (la simplicité, l'aspect « droit au but » et le peu d'élaboration littéraire font penser à un compte-rendu assez « formel », digne d'un publicain habitué à rendre compte de ce qu'il a vu et relevé). De même, il insiste beaucoup sur la mauvaise réputation dont souffraient les publicains dans la société juive, étant perçus comme des « traîtres » ou des « collabos » par excellence pour leurs affinités avec l'envahisseur romain ; en plusieurs endroits, les publicains sont mentionnés aux côtés des prostituées comme des personnages indignes et méprisables : « (…) Et Jésus leur dit : « je vous le dit en vérité, les publicains et les prostituées vous devanceront dans le royaume des Cieux » (Mt 21, 30 – Jésus veut dire aux pharisiens qu'ils sont en vérité plus méprisables que les prostituées et les publicains malgré leurs apparences pieuses, et que l'obtention du royaume des Cieux ne dépend pas de la respectabilité extérieure mais des dispositions intérieures).
Un autre détail important : cet évangile est le seul qui relate l'épisode dans lequel Matthieu est appelé par Jésus à le suivre et à faire partie de ses disciples : « Jésus partit de là. En passant, il vit un homme assis au bureau des taxes et qui s’appelait Matthieu. Il lui dit « suis-moi ». Cet homme se leva et le suivit. » (Mt 9, 9). Ensuite, il est manifeste que l'auteur s'adressait en priorité aux juifs convertis : l'original est en araméen, le texte grec quant à lui comporte un certain nombre de locutions araméennes ou hébraïques retranscrites en tant que tels et sans explications, car des juifs, même hellénisés, comprendraient aisément : « rabbi », « raca », « gehennna », « mamonna », nous avons même droit à une phrase entière en araméen : « Eli, eli, lama sabachtani ? » (Mt 27, 46) ; et le principal dessein de son ouvrage consiste à prouver que Jésus est bien le Messie promis, ce qui n'aurait pas de raison d'être si l'auteur ne s'adressait pas avant tout à des juifs. L'évangile commence par une généalogie de Jésus qui montre qu'il est bien un descendant d'Abraham et de David, et tout au long du récit la vie de Jésus est mise en parallèle avec les prophéties pour montrer qu'elles se réalisent en Lui. Tout concorde donc pour dire que saint Matthieu, disciple de Jésus-Christ et témoin direct de ses actes et de son enseignement, est bien l'auteur de cet évangile, qu'il a écrit entre les années 30 et les années 70 (plus vraisemblablement dans les années 50).
B- Authenticité de l'évangile de saint Marc
Comme pour Matthieu, les témoignages sont unanimes pour attribuer cet évangile à saint Marc, disciple de saint Pierre dont il était le « secrétaire ». Tertullien, saint Irénée de Lyon, saint Justin de Naplouse… et Papias d'Hiérapolis, qui rapporte vers l'an 150 la chose suivante : « Marc, l'interprète de Pierre, écrivit avec exactitude, non pas cependant dans leur ordre chronologique, tout ce dont il se souvenait des choses dites ou faites par Jésus . Car il n'avait pas vu le Seigneur et ne l'avait pas accompagné, mais il avait accompagné Pierre qui donnant ses enseignements selon les besoins de ceux qui l'écoutaient … De la sorte, Marc ne fit aucune faute en écrivant quelques faits comme il se les rappelait. Sa seule préoccupation était de ne rien omettre de ce qu'il avait entendu et de ne rien altérer ». Ce témoignage de la tradition est d'une grande valeur, car ce second évangile est sensé contenir les souvenirs de Pierre, le plus importants de tous les apôtres : s'il s'agissait donc de donner de l'autorité et de l'importance à ce livre, on ne l'aurait pas fait passer comme un récit de seconde main émanant du secrétaire de Pierre, ce que la tradition rapporte pourtant.
La critique interne du livre nous révèle aussi que son auteur était juif : tout comme Matthieu, il utilise de nombreux hébraïsmes et retranscrit directement des mots araméens dans le texte grec, il décrit également avec précision les coutumes juives et le paysage de la Palestine. Il ressort aussi notablement qu'il était disciple de saint Pierre : Pierre occupe une place prépondérante dans son évangile, ses faits et gestes sont rapportés avec une grande précision. Loin de le glorifier flatteusement, le texte insiste sur les défauts de Pierre, ses faiblesses, son mauvais caractère et sa lâcheté : qui aurait pu lui parler de cela, si ce n'est Pierre lui-même, pleurant les fautes de son passé et racontant dans ses prêches comment l'homme se voit transformé sous l'effet de la grâce de Dieu ? Enfin l'examen du texte révèle un autre trait important : son auteur écrit à l'intention des Romains ; contrairement à Matthieu, il prend le temps de traduire et d'expliquer les termes sémitiques qu'il emploie, il essaye aussi d'expliquer les mœurs et les coutumes juives, et enfin son grec est teinté d'expressions et de tournures latines (note : le grec est, même à Rome, la langue littéraire classique par excellence ; dans toute la moitié orientale de l'empire, elle est la langue de la communication ordinaire). Ceci correspond tout à fait à ce que la tradition rapporte sur saint Marc : juif originaire de la région de Jérusalem, il est l'un des premiers disciples de l'apôtre Pierre (comme en attestent les Actes des Apôtres) qu'il suit dans ses prédications et assiste en tant que secrétaire. Le livre est écrit au plus tard entre 67 et 70, probablement à Rome.
C- Authenticité de l'évangile de saint Luc
Comme pour les autres évangélistes, le consensus chrétien des premiers siècles est unanime sur Luc et son évangile. Saint Luc est un médecin grec, peut-être originaire de Corinthe, ce qui signifie que contrairement aux autres Apôtres, il n'est pas juif mais païen d'origine, et disciple de Saint Paul qui l'appelle dans l'épître aux Corinthiens « le médecin bien aimé ». Saint Paul avait cette spécificité de s'adresser avant tout aux « Gentils », c'est à dire aux non-juifs, aux païens que l'on désigne souvent sous le terme générique de « grecs » sans que cela soit vraiment un qualificatif ethnique précis. Il n'y a aucune raison explicable pour que la communauté chrétienne aie décider d'attribuer faussement cet évangile à ce personnage si secondaire, dont le récit est censé relater en partie la prêche de saint Paul.
L'analyse interne du livre montre que son auteur était probablement un médecin, ou un homme travaillant en contact avec les malades d'une quelconque manière, comme le prouve la grande précision avec laquelle il décrit les maladies ; l'analyse révèle ensuite que son auteur avait le grec pour langue maternelle et était d'un esprit cultivé, en effet, son style est pur et élégant, beaucoup plus aisé que le grec approximatif et teinté d'araméen qu'utilisent Matthieu et Marc, avec un plus grand vocabulaire et un plus grand art dans la composition ; enfin nous pouvons aussi comprendre que l'auteur était un disciple de saint Paul : les thèmes favoris de sa prêche sont mis en honneur, à savoir l'importance capitale donnée à la Foi, la gratuité de la justification et l'aspect universel du christianisme, qui ne s'adresse pas uniquement aux juifs mais bien à tous les peuples du monde. Ce livre a probablement été composé en Asie Mineure ou dans une autre région du monde grec avant l'an 70. Il n'y a aucune raison de douter de l'authenticité de l'évangile de saint Luc.
D- Authenticité de l'évangile de saint Jean
Le quatrième évangile est celui dont l'authenticité est la plus contestée. Pourtant, à l'instar des trois autres, il n'y a aucune raison sérieuse de lui trouver plusieurs auteurs ou de dénier à saint Jean la paternité de ces écrits. L'examen des témoignages historiques combiné à celui des caractères internes du texte nous mènent toujours au même constat. A la fin du deuxième siècle, toutes les communautés chrétiennes admettent que saint Jean en est l'auteur (y compris les gnostiques et d'autres milieux hétérodoxes, pas seulement l'église catholique), en témoigne notamment saint Irénée de Lyon (vers l'an 185), disciple de saint Polycarpe de Smyrne qui était lui-même un disciple de saint Jean (il était donc très bien placé pour savoir que celui-ci avait bien rédigé son évangile à Éphèse). Impossible que tous les chrétiens se soient trompés en même temps, même les hérétiques qui étaient prêts par ailleurs à contester l'authenticité de beaucoup d'autres écrits, impossible qu'ils aient tous crus en même temps au « mensonge » de saint Polycarpe (quel intérêt aurait-il à mentir, lui qui est allé jusqu'à donner sa vie pour défendre la foi qu'il professait ?) et des autres disciples directs de saint Jean, le dernier des Apôtres du Christ (mort au début du IIe siècle).
De la critique interne du livre, il ressort que son auteur était certainement un juif, et un disciple direct du Christ, témoin des événements qu'il raconte, un des douze apôtres. Comme pour Matthieu et Marc, on trouve beaucoup de termes en hébreu et en araméen, des références aux idées et aux mœurs juives, avec des explications plus détaillées ce qui montre que l'auteur écrivait surtout à l'intention des grecs qui ne connaîtraient pas le monde juif. Les faits racontés sont précis, vivants, détaillés, intimes, ils supposent un témoin direct des faits de la vie du Christ. Ensuite, à la fin du texte, l'auteur affirme explicitement être un apôtre, mais pas n'importe lequel : il se présente comme « le disciple que Jésus aimait ». Trois apôtres sont connus pour avoir eu une familiarité particulière avec Jésus-Christ : saint Pierre, saint Jacques le majeur et saint Jean. Le nom de Jean n'est jamais cité directement dans les évangiles, contrairement à celui des autres apôtres, comme si l'auteur l'avait tu par discrétion. Enfin, Pierre et Jacques étaient morts bien avant la date présumée de rédaction de l'évangile, à savoir entre les années 80 et 100. Cet évangile est plus récent que les autres, il vient les compléter en ajoutant des détails et des précisions, en insistant sur certains aspects spirituels et théologiques que les autres textes avaient évoqué, et en optant pour un plan différent. Ce livre est écrit à Éphèse, si l'on en croit tous les témoignages à propos de saint Jean qui nous apprennent que c'est dans cette ville qu'il avait fini par s'installer à la fin de sa vie.
3. Véracité des évangiles
Nous avons désormais compris que les quatre évangiles ont été écrits par deux apôtres de Jésus-Christ en personne (saint Jean et saint Matthieu), et deux disciples d'apôtres (saint Luc et saint Marc), dont un qui semble avoir connu le Christ de son vivant (saint Marc). La question qu'il nous reste à nous poser est celle de savoir si ces témoignages sont dignes de foi, si les auteurs n'avaient pas l'intention de nous tromper, et s'ils ont vraiment rendu compte de ce qu'ils ont vu et entendu sans altérations substantielles.
Les différents évangiles racontent des choses assez similaires, avec des nuances et des développements propres à chacun des auteurs. Si ces évangiles se ressemblent, c'est parce que leur fond commun est celui de la prédication primitive des apôtres, qu'il a fallu peu à peu mettre par écrit pour les nécessités de l’Église naissante, à la fois pour éviter que cette prédication ne s'altère et se modifie à mesure que vieillissaient et mourraient les premiers disciples du Christ, et aussi pour toucher différentes strates de la société (la prédication écrite permettant notamment de sensibiliser les milieux lettrés, qu'ils soient juifs ou païens). Les divergences s'expliquent notamment par les différents publics visés (Matthieu s'adresse aux juifs, Luc s'adresse aux grecs), et par un choix qu'on fait chacun des auteurs de sélectionner certains discours ou certains événements parmi leurs souvenirs, pour mieux convenir à leur prédication. Ces choses nous montrent que nos auteurs étaient bien informés : ils ne font que rapporter ce que beaucoup d'autres ont vu et entendu, ce que les premiers prédicateurs chrétiens prêchaient d'une seule et même voix sans que qui que ce soit aie pu les convaincre de mensonge ou d'erreur.
Outre le fait que les auteurs des évangiles étaient bien informés (même saint Luc qui n'est pas un témoin direct de la prédication de Jésus, ni lui ni son maître saint Paul : ses écrits attestent de l'existence de cette prédication primitive des apôtres, de ce fond commun de catéchèse peu à peu mis par écrit), il est d'autant plus évident qu'ils étaient sincères, qu'ils n'avaient aucune intention de tromper ou de falsifier volontairement leur récit.
Les auteurs font des apôtres un portrait peu flatteur, alors que c'est pourtant la prédication de ceux-ci qu'ils sont sensés défendre : ils n'hésitent pas à mettre en avant leur faiblesse, leur basse extraction (Pierre, Jean, Jacques et André sont des pêcheurs du lac de Galilée, incultes et grossiers), leur intelligence étroite et bornée (Jésus est obligé de se répéter et d'utiliser des termes simples pour se faire comprendre), leur lâcheté au cours de la Passion de Jésus, leur découragement au moment de sa mort, et leur incrédulité au moment de sa Résurrection (il est dit que certains apôtres, dont notamment saint Thomas, ne voulaient pas croire à la résurrection de Jésus, alors même qu'il se tenait sous leurs yeux, tant une telle chose défiait le sens commun). Le moins que l'on puisse dire, c'est que les évangélistes ne sont pas de très bons publicitaires … si tant est qu'ils aient cherché à enjoliver leur « produit » ! La critique interne des évangiles nous montre au contraire qu'ils ont cherché à rendre compte des faits tels qu'ils se sont passés. Le langage est simple, direct, sans circonvolutions et sans fourberie : c'est un langage de vérité. Si nous voulons trouver un contre-exemple à cette « méthode », nous pouvons prendre le Coran et la tradition sunnite, qui multiplient les éloges envers Mahomet et ses premiers compagnons, dans des envolées lyriques interminables.
Enfin, il faut bien comprendre que les évangélistes n'avaient aucun intérêt à mentir. Lorsque les hommes mentent, c'est parce que ce mensonge pourrait leur être profitable d'une quelconque manière. Hors la doctrine que défendaient ces évangélistes était susceptible de leur coûter la vie, l'empire romain condamnant à mort pour « athéisme » tous ceux qui refusaient de participer au culte impérial idolâtre. Si ce qu'ils voulaient était la renommée, la gloire et le succès terrestre, ils auraient mieux fait de défendre telle branche de la philosophie grecque ou d'importer le culte de telle divinité orientale, suivant les modes et les goûts de leur époque. Mais ils ont préféré plutôt payer de leur vie pour défendre leur prédication, et de nombreux autres firent de même après eux. Il est vrai que certains meurent pour des idées fausses, par fanatisme ; mais à moins d'être complètement fou, il faut au moins que l'on croie que l'idée pour laquelle on donne sa vie soit vraie. Il n'y a aucun motif de douter de la sincérité des évangélistes, qui étaient parfaitement persuadés de la vérité de leur prédication : ils ne peuvent pas avoir menti volontairement.
Certains vont essayer de combiner cette évidente sincérité des évangélistes avec l'idée que ce qu'ils racontent est faux : c'est la « théorie de l'idéalisation », qui veut que les apôtres et leurs disciples aient peu à peu transformé dans leur imagination des faits ordinaires, explicables par les lois de la nature usuelles, en des faits extraordinaires et miraculeux (sous l'effet de la chaleur ou de la prise de substances psychotropes ? On ne comprend pas bien où veulent en venir les tenants de cette théorie …) Une telle opinion n'est pas digne du sérieux scientifique dont elle prétend se parer : elle est pleine d'incohérences et de contradictions (une idéalisation de ce type devrait prendre des centaines d'années, hors il est certain que les évangiles telles que l'on les connais aujourd'hui étaient diffusées dans les milieux chrétiens dès le IIe siècle), et elle se base sur le postulat invérifiable de l'inexistence du surnaturel et de l'impossibilité des miracles. « Les évangélistes, qui sont sincères, parlent de miracles. Or, les miracles n'existent pas, donc il faut trouver autre chose pour expliquer » ; si l'on admet que les miracles peuvent exister, ou du moins que rien ne permet d'affirmer avec certitude qu'ils ne peuvent pas exister, alors il n'y a plus besoin de se tordre les méninges et de chercher des explications fantaisistes et alambiquées à des récits aussi simples et sincères que ceux des évangiles. Le style littéraire des évangiles n'a rien à voir avec celui des mythes et des épopées, il est facile d'en reconnaître le caractère dépouillé et factuel. Pour autant que la raison puisse l'établir, les évangiles sont des récits purement historiques, et non pas des mythes créés au fil du temps par idéalisation.
Conclusion
Les documents de la Révélation sont dignes de foi. Quant au Pentateuque, il serait impossible d'expliquer pourquoi la tradition juive s'accorde d'une manière unanime et pluriséculaire sur son origine mosaïque, si l'on admettait pas que son contenu substantiel était du à Moïse lui-même. Quant aux évangiles, les caractères externes et internes du document comportent de tels signes évidents de véracité qu'on ne devrait même pas prendre la peine de faire de long discours pour en prouver le caractère authentique ; tout homme ayant un peu de bon sens est capable de comprendre que les évangiles ne sont pas des récits mythiques quelconques, mais bien des récits historiques, malgré le caractère surnaturel des faits rapportés. Nous avons donc établi que ces documents étaient dignes de foi ; reste encore à savoir en quoi leur contenu indique certainement l'origine divine de la religion chrétienne.