Parait-il que l'on dit "Gestion" et non plus "Direction".
La terme originel est cependant encore bien plus représentatif des pratiques et des mentalités que le second, dont j'espère voir l'avènement, si tant est que c'est possible.
Je vais avoir l'occasion d'exprimer ici tout le bien que je pense de l'aspect "boucherie insalubre" que me donne à penser la gestion cynique généralement rencontrée lorsqu'une entreprise pose un regard sur les employés. Il ne faut pas que ceux-ci prennent conscience que sans leur présence la boîte ne fait pas les profits que se distribue le management. Suis-je populiste ?
Je suis tombé sur un résumé de "méthodes RH" répandues, et donc
de facto considérées comme normales :
http://theundercoverrecruiter.com/infographic-how-interviewers-know-when-hire-you-90-seconds/
L'URL m'a interpellé direct, puisqu'elle contient la méthode qui me révulse le plus. Mais le reste vaut aussi le coup d’œil.
- Citation :
- 33% of bosses know within the first 90 seconds of an interview whether they will hire someone
Ça sent le raisonnement libéral stupide (pléonasme ?) à plein nez : sous prétexte de gagner du temps (en ne passant que 90 secondes à évaluer quelqu'un), on en perd en fait beaucoup plus (en n'embauchant pas le bon)... parce que connaître quelqu'un qui n'exprime pas forcément correctement qui il est d'emblée, ça prend du temps. Tous les raccourcis sont mauvais.
On sacrifie encore une fois la qualité du recrutement sur l'autel de la quantité.
Il peut y avoir un but raisonnable à demander à quelqu'un d'inspirer confiance rapidement, pour les postes qui le nécessitent (notamment la vente et le marketing, dont l'art est d'embaucher des escroc pour convaincre que la merde à un goût de bacon, je schématise
), mais c'est loin d'être une généralité.
On donne trop de place aux escrocs charismatiques et pas assez de lumière aux compétents réservés. Révoltant.
- Citation :
- Having little to no knowledge of the company is the most common mistake made during interviews
Là encore je ne serais pas si catégorique.
Toute les structures ne nécessitent pas une cohésion absolue de tous les employés avec leur entreprise.
Cela peut être valable pour les petites structures, de type familiale, pour lesquelles la traditions et la conservation d'une certaine vision, de certaines valeurs, est primordiale. Alors là, oui, il est important que l'employé sache où il est, et il va être profondément sondé pour déterminer s'il est à l'unisson ou s'il y a dissonance (et qu'il essaie potentiellement de le cacher).
Pour les grandes structures, il est illusoire de penser que les employés sont là pour autre chose qu'accomplir leurs tâches et retourner chez eux vivre leur vie avec le salaire gagné. Ça, ça se fait n'importe où.
Ce qui va compter, c'est l'adéquation avec le poste occupé. Mais, honnêtement, l'entreprise importe finalement peu sauf affinité particulière.
Que les RH imposent aux candidats de faire semblant de s'intéresser à la globalité de l'entreprise est pernicieux.
Si le candidat a des valeurs particulière et tient à son éthique (ce qui n'est pas partagé par la totalité), il aura vérifié par lui-même si l'entreprise va à l'encontre de se valeurs ou principes... et il aura pris sa décision en connaissance de cause.
Le candidat qui ne sait pas où il a mis les pieds est seul responsable.
Qu'on attire son attention afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'incompatibilité morale, pourquoi pas, mais filtrer les candidats n'ayant pragmatiquement rien à carrer de la boîte parce que la job qu'ils veulent faire peut se faire n'importe où est cynique et vicieux.
- Citation :
- 67% of bosses say that failure to make eye contact is a common nonverbal mistake
Là encore le culte du charisme... Laissez donc le soin à ceux qui veulent en avoir d'en avoir ! Et foutez la paix à ceux qui s'en branlent...
Là encore, sauf incompatibilité avec le poste (on ne va pas coller un timide à la vente ou à la réception...), la timidité fait partie de l'identité humaine.
Ce n'est pas parce que l'on est réservé que l'on est timide.
Ce n'est pas parce que l'on est timide que l'on est asocial.
Personne n'est capable de travailler avec tout le monde. Chez certains c'est juste plus marqué que chez d'autres. Aux RH de faire le boulot et de coller des mecs compatibles ensemble plutôt que de rejeter la faute sur les candidats en ne recrutant que ceux qui sont faciles à manier.
- Citation :
- When meeting new people, 55% of the impact comes from the way the person dresses, acts and walks through the door
Le comble de l'hypocrisie. La personne ayant dicté cette règle sait-elle ce qu'est le stress ? A quel point il affecte notre manière d'être, d'agir et de penser ?
On attend du candidat qu'il soit souriant, détendu, à l'aise... parfait, quoi.
Moi je pose une question "stupide" : les personnes trop à l'aise quand elles ne devraient pas l'être ne vous semblent-elles pas suspectes ? Si oui, pourquoi donc se tirer une balle dans le pied à favoriser ces profils ?
Quand à la question de la tenue vestimentaire... Qu'on ne me sorte pas encore un cas extrême et irréel pour la justifier (genre le mec en T-shirt dégueulasse, plein de sueur, qui renifle et bouffe sa morve, les ongles sales en crachant partout).
La encore la question inverse : un mec en complet costume impeccable par 40°C dehors, il vous semble suspect ou pas ? Pourtant il s'apprête bien, non ? N'est-il pas "respectable" selon le critère vestimentaire alors qu'il est inhumain et ne respecte même pas son propre bien-être ?
Oui, la tenue vestimentaire peut aider à comprendre la personne, mais la discrimination n'est jamais loin lorsque l'on part dans ce genre de règles intransigeantes...
- Citation :
- 65% of bosses indicate that clothes could be a deciding factor between two almost-identical candidates
Bim ! Discrimination...
Là encore, seule l'adéquation au poste peut être un argument valable.
Mais concernant les vêtements, ça devient touchy... La tenu n'est pas la même 365 jours/an, tout au long de sa vie...
Du coup, embaucher quelqu'un sur ses fringues, c'est un peu prendre ses rêves pour la réalité, non ?
L'explication généralement donnée est "cette personne sait ou non se mettre en valeur de manière opportune , en adéquation avec l'occasion qui se présente".
C'est encore un jeu de miroir où l'apparence prime sur le fond... Et par là-même, une grande place offerte aux escrocs qui jouent tout sur l'apparence. PArce qu'ils n'ont que ça à vendre.
- Citation :
- The number one question most likely to be asked is: “Tell me about yourself”
Je comprends l'idée derrière cette question, qui peut être très intéressante d'un point de vue psychanalytique.
J'attirerais toutefois l'attention sur le jugement parfois trop rapide et intransigeant de nos chers RH qui mettent potentiellement le candidat dans un état de stress profond en utilisant une question (très) ouverte et en se posant en embuscade, notant essentiellement les points négatifs.
On peut se poser la question, là encore, de la pertinence de la chose : on souhaite dégoter une personne avec un maximum de qualités humaines alors que le poste n'en nécessite pas forcément.
Le processus par lequel la sélection est faite doit tenir compte, sinon d'être cynique, de l'état émotionnel et de l'impact que celui-ci peut avoir sur la réponse dans son évaluation.
Certaines personnes ont par ailleurs plus d'affinités avec les questions ouvertes, tandis que d'autres paniquent complètement en l'absence de cadre. Font-ils pour autant de mauvais employés ? Adéquation au poste toujours...
- Citation :
- The number one most common mistake at a job interview is: failing to ask for the job
Les RH n'aiment pas qu'on leur montre de manière explicite qu'on se cogne de la job, pourvu que ça le salaire paie le loyer et la bouffe... Je peux comprendre ça.
Cependant, en me faisant l'avocat du Diable, je pourrais aussi objecter que certaines job n'ont pas un intérêt phénoménal, et qu'encore une fois on pourrait faire strictement la même chose ailleurs sans plus s'intéresser à la job qu'à la compagnie...
L'essentiel est que le candidat sache pourquoi il est là. Mais il n'a pas forcément besoin de demander une énième fois au recruteur en face de lui détailler une job ont il a potentiellement déjà fait le tour, même en théorie. Rien ne remplacera alors l'expérience de vivre la job concrètement pour déterminer l'affinité.
Il faut encore une fois faire semblant de s'intéresser, parce que n'être là que dans un intérêt financier ne fait pas plaisir. Il faut justifier sa présence par autre chose qu'un cynique "pour le salaire".
On nous demande structurellement de mentir, en faisant passer le mensonge pour "pieux" en le renommant "diplomatie".
Mentir ne va pas changer la nature de l'employé. En lui retirant la possibilité de leur montrer tel qu'il est, les recruteurs creusent un fossé interpersonnel. La somme des mensonges formulés au nom de la bienséance peuvent transformer le fossé en ravin.
Je rêve à croire que regarder la vérité en face aurait au moins l'avantage de rendre l'exercice des usurpateurs plus difficiles et qu'en fin de compte tout le monde, compagnies comme candidats/employés gagneraient à se départir du cynisme et seraient peut-être plus heureux.
En attendant, le recrutement reste un jeu de chat et de souris, de ball-trap et de guillotine. 'faut croire que ça doit amuser ceux en position de force de taper sur ceux en position de faiblesse. Oh wait... C'est pas dans la nature de notre espèce animale ça ? Oops, il est passé où notre beau développement du à notre intellectualisation ?
Malgré nos croyances, ne serait-on pas encore forcés de faire le constat un peu tristounet que l'on est finalement pas si évolués que l'on se gargarise à le croire ?
Bienvenue dans la boucherie du règne animal...