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https://mbti.forumactif.fr/t4154-les-3-couches-psycho-politiques-selon-reich#94768qui allouait des opinions politique selon le rapport aux pulsions et aux désirs d'un individu d'une certaine classe sociale, je fais part de cette autre étude, peut-être plus proche des connaissances actuelles et accordant moins d'importance aux facteurs socio-économiques.
Se référant en partie à la sélection naturelle de Darwin selon lequel les individus dotés de caractéristiques qui les avantagent ont tendance à les transmettre à leur progéniture (quand ils en ont une..), et en partie à la psychanalyse (Freud, Adler, ...), un psychologue, Frank J. Sulloway, a constaté et établi qu'il existait certains caractères psychologiques (évocation dans le tableau ci dessous) en fonction de l'ordre dans lequel se déroulent les naissances au sein d'une famille, les enjeux et les positionnements que ça implique pour un enfant ou pour un autre selon son rang pour garder suffisamment l'attention des parents et faire sa place.
Tableau récapitulatif des profils selon le rang de naissance (tableau d'après Michael Grose, revu par le Dr. Marc Sznajder) :
Enfants uniques : Ambitieux, confiants, équilibrés dans leur estime de soi, inflexibles, capables de b!en s'exprimer.
Aînés : ambitieux, esprit de compétition, conservateurs, responsables, gardiens des lois, déterminés, méticuleux, fixent des objectifs.
Enfants du milieu : souples, diplomates, conciliateurs, libres d'esprit, généreux.
Benjamins : Persévérants, ouverts, charmeurs, novateurs, créatifs, téméraires, prenant des risques, rebelles.
Tableau comparant les observations de Sulloway avec d'autres auteurs.
https://www.cairn.info/loadimg.php?FILE=PSYT/PSYT_101/PSYT_101_0099/PSYT_id2804144992_pu2004-01s_pa01-da11_art06_img001.png
Sulloway distingue
5 mécanismes :
-Les différences dans l'investissement des parents.
-Les hiérarchies de dominance entre frères et soeurs.
-La spécialisation par niche familiale.
-La déidentification, ou tendance des frères et soeurs à s'efforcer d'être différents entre eux.
-Les stéréotypes frères-soeurs.
De là il en découle deux conséquences dans les cas de familles à deux ou plusieurs enfants, selon le modèle parental et selon l'écart d'âge :
-Celui de la
rivalité fraternelle : L'ainé sent qu'il ne capte plus toute l'attention, peut devenir jaloux, rejeter le nouveau plutôt que ses parents même s'il leur en veut, car il ne se sent pas de remettre en cause l'autorité parentale (son modèle) sur laquelle il s'est construit. Le cadet quant à lui se sent menacé par l'ainé hostile mais va se lancer dans la recherche d'alternatives, chercher à faire sa place (trouver sa niche) en s'opposant au modèle parental ou en choisissant librement ses modèles (en fait souvent sur l'ainé dans les familles nombreuses).
Quand la rivalité prend des proportions extrêmes, c'est ce qu'on observe dans la nature chez nombre d'oiseaux lorsque par exemple de nouveaux oeufs sont expulsés par le premier sorti, le tout sous le regard indifférent du parent; ou bien encore vous avez les histoires de fratricide que l'on trouve dans les mythes tels que Abel et Cain dans la Bible, ou Romulus et Remus dans le mythe fondateur de Rome.
La rivalité cesse avec la déidentification, quand les enfants perçoivent leurs parents singulièrement. Elle a moins de chance de prendre place quand le nouveau arrive plus de trois ans après le premier (disons que les tensions existent en deçà de 5 ans d'écart, sont inexistantes au delà).
-Et celui du
contrôle parental : un parent alloue aux enfants les ressources (en attention, en nourriture) de façon égale ou en favorisant celui qui en prend le moins, ce qui crée une forme d'équilibre. On observe ça dans la nature tout aussi souvent que les rivalités fraternelles, par exemple quand dans un nid d'oiseau un gros lourdo cherche à prendre toute la place lors du nourrissage par la mère et que cette dernière alloue en conséquence des parts double à celui qui a été mis de coté.
Les traits de personnalité vont être plus ou moins perpétués en grandissant si la hiérarchie au sein des familles est culturellement valorisée. Mais ils peuvent aussi changer selon les expériences ultérieures à l'enfance qui continuent de construire la personnalité, ils peuvent être atténués (schémas narcissico-hédonistes, plus en vogue dans les dernières décennies) ou renforcés (schémas névrotico-normal, moins d'actualité).
Je pense pour ma part que le schéma névrotico-normal va avec la rivalité fraternelle, là où le contrôle parental permet de développer ces types de relations horizontales que l'on connait mieux aujourd'hui.
Un faible écart d'âge au sein de la fratrie (moins de deux ans d'écarts) favorise et augmente les rivalités fraternelles car le premier enfant n'a pas eu le temps de finir le processus qui le sécurise auprès de l'autorité parentale. Tandis que, au delà de 5 ans d'écarts, on peut même dire que le rang familial a peu d'importance dans la formation de la personnalité à moins d'être culturellement encensé (et encore que les études réalisées sur une même culture montre des variétés de résultats considérables sans lesquels il serait difficile de comprendre pourquoi les sociétés elles-mêmes évoluent).
La dynamique suivante concerne surtout les familles à l'ancienne où la hiérarchie et la vie proche de la famille longtemps après l'enfance est un enjeu à part entière culturellement parlant, en mode névrotico-normal donc, mais on remarquera que le plus important, et ce de manière récurrente, c'est 1) le modèle parental 2) l'écart d'âge entre les enfants.
On peut éventuellement rajouter la taille de la famille et les recompositions familiales mais de façon très variable donc difficile à poser comme fondamentaux.
Citation du livre Les Ainés et les Cadets, de Marc Sznajder (pédiatre) :
un plutôt bon résumé des traits de personnalité.
- Spoiler:
- Citation :
- Pour Sulloway, dans la conquête des ressources affectives parentales, par définition limitées, chaque enfant tend à occuper ou créer des "niches" pour lui même au sein de sa famille. Les premiers-nés apprennent rapidement à sécuriser leur position en s'identifiant à l'autorité établie par les parents et en devant ainsi les champions du statu quo. Pour ce faire, ils s'appuient sur leur supériorité physique et sur un tempérament plutôt rigide, jaloux, anxieux et ambitieux.
Les cadets, trouvant sur leur chemin au moins un aîné en position dominante, se sentent dès lors moins en sécurité et sont en quête de solutions alternatives, susceptibles d'améliorer leur situation: ils luttent pour leur place au soleil. Dans cette situation de vulnérabilité, ils seraient plus enclins à la prise de risque et à épouser les idées progressistes, voire révolutionnaires. Cette dimension d'ouverture à l'expérience a pour corollaire un tempérament plutôt rebelle. Cette théorie a été vérifiée pour les écarts de naissances inférieurs à cinq ans.
Les ainés seraient, en général, ouverts aux idées conservatrices auxquelles les puînés s'opposeraient, alors que les propositions des révolutionnaires radicaux, le plus souvent des cadets, se heurteraient systématiquement aux valeurs sociales établies, surtout aux principaux dogmes religieux. (...)
-Les révolutionnaires célèbres -- Danton, Lénine, Trotski, Castro, Hô Chi Minh - étaient tous des cadets. De même pour les scientifiques les plus innovants.
(...) En cas de fratrie plus large, les enfants du milieu, quant à eux, seraient les plus enclins au compromis, formant les "diplomates les plus fins", et les "révolutionnaires les plus romantiques". La position qu'ils occuperaient leur accorderait peu de pouvoir personnel : face à leurs aînés, ils ne peuvent agir par la force, mais il ne peuvent pas non plus se retourner vers les plus jeunes, généralement protégés. Ils seraient ainsi les plus enclins au partage du pouvoir. Durant la Révolution française, par exemple, les députés nés "médians" semblent, par exemple, s'être opposés à leurs collègues qui prônaient des mesures extrêmes en faveur de la Terreur.
Explication succinte :-Tout d'abord, lorsqu'un premier enfant est né (enfant unique), il semblerait qu'il fasse l'objet de la plus grande préoccupation de la part des parents qui sont inexpérimentés donc inquiets. Ils se mettent et répandent beaucoup plus de pression, ce qui privilégierait des traits réservés. D'autant plus dans une société traditionnelle patriarcale si c'est un garçon. Ils sont plus aidés et soutenus dans leur réussite sociale et professionnelle, le modèle parental est la référence pour le développement de l'enfant qui va ainsi se mettre en confiance et chercher à conforter sa sécurité acquise.
Bon, biensûr si les parents projettent leurs angoisses sur un nouveau né il ne va pas s'épanouir, c'est également possible.
De plus, il semblerait que le privilège de grandir en tant que premier enfant apporte également une plus grande aisance avec le langage, toute la place étant libre pour l'éducation et l'apprentissage d'une quantité conséquente de mots, ce qui les familiarise avec les études et une certaine réussite scolaire.
L'arrivée d'un second change la donne pour ce premier qui devient l'ainé. Il prend conscience que ce dont il a bénéficié pourrait ne pas durer, ne sera plus comme avant, et en même temps il acquière une certaine responsabilité à l'égard de son frère ou sa soeur cadet(te). Tout cela le pousse à reconsidérer son rang qui lui permettait auparavant de jouir de toute l'attention des parents (s'ils jouent leur rôle), et ainsi vient se rajouter la responsabilité, la jalousie parfois, et une tendance à vouloir protéger sa place acquise dans la société. D'où un tempérament souvent plus conservateur.
-Pour le second (le cadet), tout l'enjeu est d'arriver à trouver sa place alors que tout le monde est éventuellement accompli devant lui. C'est comme s'il y avait toujours une ombre qui pesait sur lui, et il doit se débrouiller pour faire ses armes. Du coup, il a souvent une attitude moins conformiste, il choisit plus facilement ses modèles, prend plus de risques. Il est tout simplement plus à l'aise dans l'incertitude, d'où un tempérament souvent plus radical ou visionnaire.
Parce qu'il y a cette ombre aisément menaçante au dessus de lui et pas de référence unique, il se construit par le défi et l'autonomie. Statistiquement, il peut s'avérer agressif, mais ce n'est pas la même violence que l'ainé. Il peut éventuellement être d'avantage question de vengeance que de jalousie, celle-ci étant plus observable chez l'ainé.
Au niveau du langage, il est observé souvent un appauvrissement par rapport à la quantité de mots chez l'ainé, mais une plus grande originalité, créativité, et même sociabilité (sûrement le fait de pouvoir regarder ailleurs que sur les seuls normes parentales).
Ca n'a pas l'air de tout repos mais ce n'est pas forcément la pire position. Parce que s'il y a un troisième qui arrive, il devient l'enfant du milieu, c'est à dire l'homme sandwich, le diplomate qui cherche des références d'un coté et de l'autre de la fratrie, l'espoir de la paix dans la famille mais potentiellement prompt à la dépression (les facteurs de dépression sont plus complexe, ne pas prendre au pied de la lettre), et parait-il un tempérament politique plus modéré (mais il peut s'agir de révolutionnaires, le maître mot étant surtout la modération).
-Pour le petit dernier, c'est peu ou prou le même profil que le cadet avant qu'il devienne l'intermédiaire mais avec ceci de différent qu'il y a plus de chances qu'il prenne modèle sur l'ainé. Je n'ose imaginer le conflit fraternel que ça peut faire, du genre : "mais mais je voulais faire pareil que mon frangin" - "tais toi donc, usurpateur !"
Au final, avec ou sans enfants intermédiaires, l'ainé et le cadet peuvent tout de même développer des traits communs relativement à leur rang de naissance. Le cadet, notamment lorsque l'aîné a quitté le foyer familial, peut avoir des traits d'enfant unique (c'est mon cas, ce qui a sûrement été présent en fait très tôt comme des soucis de santé ont eut pour conséquence une préoccupation et une inquiétude particulière et j'y rajouterais le profil introverti ainsi que des attitudes en société et des choix politiques assez conciliants qui ne rentrent pas vraiment dans l'archétype du cadet tel que défini ici. Pourtant, la problématique du cadet est bien là, je pense, et je peux me demander si mon centre d'intérêt pour les conflits et les alternatives vient de là, mais on a plus l'impression de voir un cadet qui peut être énergiquement défiant surtout dans le discours mais qui voudrait pousser à son paroxysme la logique du médian diplomate).
Le cas du schéma narcissico-hédoniste, avec des familles ne valorisant pas tant les hiérarchies familiales de coutume il y a un siècle, montre cela dit que les opinions peuvent être très différentes selon le modèle parental mais que la dynamique causée par celui ci et par le rang de naissance sont préservés.
Ainsi, si les parents ont des opinions et promeuvent une éducation révolutionnaire, l'aîné va probablement s'identifier et reproduire ces valeurs, mais le cadet, par exemple en s'opposant, va possiblement adopter des attitudes conformistes ou des valeurs conservatrices !
C'est un tableau parfois observé dans les nouvelles générations qui ont suivi la période soixante-huitarde.
On peut toutefois supposer que l'atténuation de la hiérarchie va aussi atténuer ce genre de résultat.
Dans l'idéal pour une famille de plusieurs enfants, il faudrait sûrement attendre trois quatre ans avant d'en faire un nouveau. Parce que, ainsi, l'écart est suffisamment faible pour qu'existe un minimum de tension et de conflit fraternel(le) contribuant à la construction de la personnalité pendant la période de survie de l'enfance, et pas trop faible non plus pour que les tensions en question ne soient pas destructrices mais puissent laisser la place ensuite à une complicité fraternelle tout aussi constructive pour le développement de l'enfant.
Bon, voilà, il y a bien-sûr tout un tas de subtilités non abordés ici comme en ce qui concerne le fait d'avoir une soeur aînée et un frère cadet, ou deux soeurs, ou deux frères, etc. Ce serait compliqué de tout mettre ici. J'espère que ce qu'il y a là est déjà une bonne présentation du sujet.