Type : Discursif Age : 63 Lieu : Lille Inscription : 25/06/2016 Messages : 14
(#) Sujet: Les clairières du Tao Ven 22 Juil 2016, 18:47
La recherche du Principe Universel est ce qui a préoccupé partout dans le monde les penseurs de l'antiquité, pendant des millénaires. Cette recherche était complexe et délicate. Elle a progressivement perdu de l'intérêt et s'est finalement complètement endormie, au point que, de nos jours, évoquer l'idée d'un Principe Universel, c'est plus ou moins passer pour un illuminé.
Après l'époque antique les choses ont beaucoup changé. C'est de l'histoire : l'abandon du Principe et de sa grande subtilité a permis le développement de la rationalité, dont les premiers attributs sont d'être tranchée et simplifiante. Avec l'évolution fantastique qu'on lui connaît, la rationalité nous a procuré une somme gigantesque de savoirs et techniques d'une cohérence extrême. Mais cet apport, parce qu'il est fondé sur une volonté de négation, a un coût énorme auquel nous sommes aujourd'hui planétairement, dramatiquement, confrontés.
La Raison (du scientifique par exemple) n'est par nature tenue ni à la morale ni à la sagesse. C'est un fait qui n'a rien de choquant en soi. Ce qui est problématique, c'est la radicalisation de la Raison opérée à partir de Descartes et des Lumières. La raison, devenue hégémonique est désormais supposée être la référence en toute choses. Vue comme d'essence supérieure et comme complète en soi, elle est sensée remplacer à terme toute autre forme de pensée. Ceci est une pure folie.
Cette folie peut se résumer en un seul et unique mot, adopté unilatéralement de nos jours pour signifier le contraire de ce qu'elle est. Avant d'inscrire ce terme scandaleux, faisons tout de suite une incursion en philosophie. Voyons les aphorismes de deux penseurs très distants l'un de l'autre, pour deux citations très proches, le philosophe Pascal d'abord puis le physicien Niels Bohr ensuite :
Citation :
Le contraire d'une vérité n'est pas l'erreur, mais une vérité contraire.
Citation :
Le contraire d'une vérité triviale est le faux, le contraire d'une vérité profonde est une autre vérité profonde.
A la question, "Quel est le contraire du Rationnel ?", Rationnel qui est une vérité profonde, la réponse uniforme du monde contemporain est : l'Irrationnel. Nous le voyons, la vérité profonde contraire du Rationnel, est une négation, un faux. C'est d'autant plus troublant que l'irrationnel est connoté péjorativement : il est ce dont on affuble l'esprit des femmes, des croyants, des faibles, des fous, etc. Il a pour synonyme la déraison. C'est une vérité profonde qui est une insulte à qui voudrait s'en réclamer...
Ainsi, par cette toute simple superposition de deux faits courants de la philosophie, nous voici placés devant un choix cornélien : soit la Raison est déraisonnable, soit Pascal et Bohr, pour ne citer qu'eux, sont dans l'erreur, sans doute parce que le Principe sur lequel ils fondent leur expérience n'existe pas. Il y a tant de penseurs qui ont fondé ou fondent explicitement leur œuvre sur les opposés, principe que de toute façon tout le monde utilise constamment, qu'une telle dénégation arbitraire ne devrait certainement pas pouvoir faire loi, en tout cas dans un monde... raisonnable. C'est pourtant ce qui arrive tout le temps, absolument à tous les étages du savoir et de la technique contemporains.
C'est dans ce traitement officiel, uniforme et injustifié de ce qui s'avère être la première dualité de toute la pensée structurée de l'humanité, précisément en fonction de quoi elle s'est d'abord structurée, que se révèle le symptôme le plus violent du dérèglement auquel le monde est confronté aujourd'hui.
On doit impérativement raconter l'histoire de ce "coup d'état", on doit expliquer calmement comment il a été possible, comment il a été nécessaire, prendre du recul dessus. C'est incontournable si l'on désire avancer vers une guérison, synonyme d'évolution, à l'échelle de la civilisation. Ce mouvement se nomme "Faire Retour", il est habituellement imagé par une spirale symbolisant le fait de revenir au point de départ, mais en ayant acquis une force supplémentaire.
La Raison a débordé son cadre pour envahir des lieux de la pensée qui ne lui incombent en rien. La sagesse et la morale ont progressivement déserté les fonctionnements individuels et ceux des institutions, pour aboutir à ce monde tellement technicisé qu'il ne maîtrise plus sa technique. Un système tellement puissant est en marche qu'il semble s'être délesté des hommes qui l'ont produit.
On parle souvent du problème de l'évolution humaine récente, comme s'étant faite trop dans un sens, celui de la technologie, et pas assez dans un autre, la sagesse. J'abonde dans cette explication par l'application du Principe Universel : il manque cruellement à notre civilisation-monde une unification spirituelle, est perdu un développement du "cœur" là où la "tête" domine exclusivement. Nous l'avons perdu avec la perte du Principe.
Je crois et je vais montrer pourquoi cette dramatique dissymétrie comporte sa solution. La condition est de faire retour aux sagesses anciennes. Tout ce savoir doit s'ordonner d'abord, non pas selon les classements artificiels et tranchés de la disciplinarité scientifique, mais selon ceux, naturels et subtils de l'ordre du monde.
Je ne pense pas ceci tout seul. Même si le Principe a été tellement bien oublié qu'il ressemble aujourd'hui à une question taboue, des générations de penseurs se sont succédées se servant plus ou moins explicitement du Principe. Ici une citation de Martin Heidegger, l'un des penseurs considéré comme les plus influents du XXéme siècle.
Citation :
« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve»
Vous ne verrez jamais écrit nulle part que Heidegger a consacré sa vie à l'étude du Principe Universel, mais c'est pourtant ce qu'il a fait avec le quadriparti (geviert en allemand), "l'unique idée", "la question fondamentale".
Citation :
Quelle est, en conséquence, la tâche assignée au penseur ? Trouver "la loi" et "la modalité fondamentale" de cet ajointement - ou de ce resserrement - de l'être avec lui-même, en d'autres termes encore, son "principe" qui, dans sa simplicité se fond avec l'être lui-même.
Heidegger et Hölderlin : Le Quadriparti. Jean-François Mattei.
Heidegger est un penseur difficile, qui emploie souvent une écriture quasi prophétique. Je mets ensuite un texte étonnant qui fait suite à l'aphorisme du dessus. Cette lecture est ardue, il vaut peut être mieux laisser entrer en soi certaines tournures et glisser sur le reste.
Heidegger - La fin de la philosophie et la tâche de la pensée - Conférence de 1964:
Une telle pensée demeure nécessairement bien en deçà de la grandeur des philosophes. Elle est bien moindre que la philosophie. Moindre aussi parce qu’à cette pensée, encore plus résolument que jusqu’ici à la philosophie, aussi bien l’action immédiate, que l’action médiate sur le domaine public qui porte l’empreinte de la science technicisée de notre époque industrielle, ne peut qu’être refusée.
Mais avant tout cette pensée, fut elle seulement possible, demeure bien peu, car sa tâche n’a que le caractère d’une préparation et nullement d’une fondation. Il lui suffit de provoquer l’éveil d’une disponibilité de l’homme pour un possible dont le contour demeure obscur et l’avènement incertain. Ce qui demeure pour la pensée gardée en réserve, savoir s’y engager, voilà ce que la pensée doit d’abord apprendre. En tel apprentissage elle prépare sa propre transformation.
Il est ici pensé à la possibilité que la civilisation mondiale telle qu’elle ne fait maintenant que commencer, surmonte un jour la configuration dont elle porte la marque technique, scientifique et industrielle comme l’unique mesure d’un séjour de l’homme dans le monde. Qu’elle la surmonte non pas bien sur à partir d’elle même et par ses propre forces, mais à partir de la disponibilité des hommes pour une destination pour laquelle en tout temps un appel, qu’il soit ou non entendu, ne cesse de venir jusqu'à nous hommes, au cœur d’un partage non encore arrêté.
Non moins incertain demeure ceci : la civilisation mondiale sera t’elle d’ici peu soudainement détruite ou bien va t’elle se consolider pour une longue durée sans aucun repos dans ce qui demeure, mais bien plutôt vouée à s’organiser en un changement continuel ou le nouveau fait place à toujours plus nouveau.
La pensée qui n’est que préparation ne veut, ni ne peut prédire aucun avenir. Elle tente seulement, face au présent, de faire entendre en un prélude quelque chose qui du fond des ages, juste au début de la philosophie a déjà été dit pour celle ci sans qu’elle l’ait proprement pensé.
Heidegger - Commentaire sur la conférence de 1964:
L’un des grands périls que court notre pensée aujourd’hui, c’est que celle-ci, en tant que pensée philosophique, n’a plus de rapport original véritable avec la tradition.
Nul ne sait quel sera le destin de la pensée. En 1964, dans une conférence que je n'ai pas prononcée moi-même mais dont le texte a été lu en traduction française, j'ai parlé de « la fin de la philosophie et de la tâche de la pensée ». J'y ai fait une distinction entre philosophie c'est-à-dire la métaphysique, et la pensée telle que je l'entends. Cette pensée est, fondamentalement, quant à la chose même, beaucoup plus simple que la philosophie, mais, en conséquence, beaucoup plus difficile à accomplir, et elle exige un nouveau soin apporté au langage, et non une invention de termes nouveaux, comme je l'avais pensé jadis; bien plutôt un retour à la teneur originale de la langue qui nous est propre mais qui est en proie à un dépérissement continuel.
Un penseur à venir, qui sera peut-être placé devant la tâche d'assumer effectivement cette pensée que j'essaie seulement de préparer, devra s'accommoder d'un mot qu'écrivit un jour Heinrich von Kleist et qui dit ... : « je m'efface devant quelqu'un qui n'est pas encore là, et m'incline un millénaire à l'avance devant son esprit. »
La fin de la philosophie est atteinte lorsque cette dernière s’est dissoute dans les sciences. La pensée, quant à elle, continue plus avant.
mumen Aucun rang assigné
Type : Discursif Age : 63 Lieu : Lille Inscription : 25/06/2016 Messages : 14
(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Ven 29 Juil 2016, 18:00
Le Principe peut se désigner en très peu de mots :
le Un se décompose en deux pôles opposés entre eux.
Le Un est aussi vu comme le Tout, ou la Monade, etc. Les oppositions s'expriment à travers toutes les dualités, qu'elles soient divines ou non. Outre la Monade et la Dualité, les autres formes du Principe qui se rencontrent parfois dans les diverses cosmogonies/religions antiques sont la Triplicité et la Quaternité. La Triplicité est toujours constituée d'un terme désignant l'Un qui se subdivise en deux termes opposés entre eux. Une somme de trois termes équivalents sur un même plan, comme par exemple les trois couleurs fondamentales ou les trois dimensions de l'espace ne peut pas être considéré comme une triplicité principielle dans la mesure ou l'un des trois ne contient pas les deux autres. Les quaternités sont nécessairement sur un même plan de sens. Elles résultent de deux subdivisions duales, nous aurons l'occasion d'en parler. La plus célèbre d'entre elle est sans équivoque celle des quatre éléments.
La théologie a figuré le Principe au moyen d'une dualité construite, celle du Bien et du Mal. Le Principe est par définition neutre et ses appellations et ne devraient comporter aucun jugement de quoi que ce soit. Or, la dualité fondatrice des trois monothéismes se repose explicitement sur un jugement de valeur, qui est artificiel et ainsi peut recouvrir littéralement ce qu'on veut au gré des situations.
Citation :
Zoroastre prêchait un dualisme apparent, qui reposait sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Le principe de Zoroastre est qu'il existe un esprit saint (Spenta Mainyu), fils d'Ahura Mazda, et un esprit mauvais (Angra Mainyu) (pehlevi Ahriman), son jumeau, tous deux opposés car représentant le jour et la nuit, la vie et la mort. Ces deux esprits coexistent dans chacun des êtres vivants.
La philosophie s'est scindée avec Parménide et le "Non !" virulent qu'il oppose à tout ce qui n'existe pas, à commencer par le néant, et qui ne peut être dit, ni même évoqué.
Citation :
La pensée de Parménide se fonde sur les exigences de la logique. Les impossibilités logiques sont des impossibilités ontologiques. Il dit : je peux dire "l'être est", mais je ne peux pas dire "le non-être est". Pourquoi ? Parce que ce serait une contradiction, ce serait me contredire. [...] Je ne peux pas dire "le non-être est" ; par conséquent je ne dois même pas prononcer le mot "non-être" : ce serait lui donner l'être dans la langue, ce qui est déjà contradictoire et un abus de langage.
Jeanne Hersch L'étonnement philosophique.
Avec Parménide naît toute véritable possibilité de rationalité pure, dégagée de croyance. C'est un pas de géant pour l'humanité. Le problème qui en survient est plus tardif, c'est que d'une méthode on a fini par faire fait une religion qui s'ignore, puisqu'elle ne se reconnaît pas comme telle, qui se construit même comme contraire à toute religion. Les croyances irrationnelles classiques (Dieu, l'Amour, etc.) sont remplacées par d'autres croyances irrationnelles jamais questionnées. La philosophie telle qu'on l'entend aujourd'hui, mère de toutes les sciences, commence parce que les penseurs après Parménide ont cessé de chercher la sagesse du Principe. C'est ça le plus troublant : la philosophie contemporaine, et toute science à sa suite, n'est ni aimante ni intéressée par la Sagesse. "Philosophie" est une appellation qui ne veut plus du tout dire ce qui correspond à son étymologie. C'est pour cela que personne ne peut parvenir à en donner une définition.
Avec Parménide, des tas de choses sont "soudain" devenues irrelevantes, inexistantes. Des tas de mots sont devenus "libres" de contenu, puisqu'ils désignaient des choses qui ne devaient plus être nommées, selon une logique qui ne devait plus être utilisée. Ainsi des renversements de sens ont pu être opérés en toute tranquillité. Le rejet du Principe a conduit à relativiser tout un vocabulaire pourtant immanent, ce qui a produit le désordre considérable qu'est la philosophie d'aujourd'hui, véritable écurie d'Augias où chaque mot est fondé et n'a donc de sens qu'en fonction d'un moment et d'un penseur donnés.
La théologie et la philosophie sont entremêlées historiquement et ni l'une ni l'autre n'est capable de résoudre les freins à l'évolution qu'elles représentent désormais. Ce ne sont pas les prétendues "Mort de Dieu" et "Fin de l'Histoire" qui y changeront quoi que ce soit.
Le Principe est partout. Sa réinterprétation par la théologie et son oubli par la philosophie ont été des facteurs majeurs de notre évolution, c'est absolument certain, mais il faut passer à autre chose qui mette ces deux immenses courants de pensée à égalité au sein d'un Principe plus simple, plus élémentaires qu'elles et qui les contient toutes les deux. Dans le monde antique, un autre courant de pensée majeur a bien mieux su théoriser le Principe que les nôtres. Il est plus qu'utile, il est indispensable, de remettre les choses à leur place légitime à propos de ce courant de pensée, puisque sans lui, sans sa providentielle sagesse, nous serions condamnés à ne rien pouvoir faire d'autre que de mener encore et toujours ces délirantes guerres d'éradications de ce qui ne peut strictement pas être éradiqué : l'autre pôle.
La civilisation chinoise est celle qui a poussé le plus loin l'étude systématique du Principe, en étant la seule à avoir fermement établi ce que je nomme, puisque personne ne semble avoir nommé cette délicate et géniale pratique : la signature des opposés, à laquelle seul Pythagore pour l'occident semble s'être explicitement adonné.
Quand on parle du Principe selon les Chinois, il est un fait absolument remarquable qu'il faut connaître, fait étrangement synchrone avec la limitation des courants de pensées occidentaux : les penseurs Chinois, après avoir sans aucune équivoque réalisé la la plus fantastique, la plus décisive découverte métaphysique en terme d'évolution de la pensée construite, se sont arrêtés là, au bord d'un chemin prodigieux, laissant littéralement en friche une terre extraordinairement prolifique. Certes, ils ont, à partir du Principe construit toutes leurs sciences, leurs arts, etc., leur civilisation en fait, mais ils n'ont ni généralisé ni consolidé la gigantesque découverte fondamentale qu'ils ont inscrite en un simple aphorisme, le plus profond de tout ce qui a jamais été prononcé, écrit.
Citation :
Yi yin yi yang zhi wei dao
Qui peut se dire :
Citation :
Un Yin, un Yang, c'est le Tao
Après 2500 ans, un travail alors déjà entièrement préparé, entièrement délimité reste à réaliser. Ne nous leurrons pas, ce travail est devenu assez simple à cause de l'évolution que l'humanité à vécue durant tout ce temps. Il n'est pas question de génie particulier ou nouveau pour réfléchir à une telle grandeur, mais de ce que tout homme sait faire, se concentrer, apprendre, pratiquer, échanger, etc. En effet, durant ces millénaires nous avons acquis une somme immense de matériaux conceptuels, qui, bien que résolument accumulés sans l'apport du Principe, nous y a constamment ramenés. Il est temps de faire une moisson d'or, nous y sommes prêts, nous en avons les moyens, nous en avons besoin, c'est le temps de revenir à la Sophia Perennis.
Dans la suite de ce message, je place quelques références historiques clés à propos du Principe.
Héraclite:
Pour Héraclite, les opposés sont le Principe de Sagesse. Les opposés sont contenu dans le Un.
Citation :
Héraclite insiste sur le fait que la sagesse authentique ne se mesure pas à l’étendue des connaissances mais qu’elle est au contraire unique. La sagesse ne consiste qu’en une seule chose : connaître l’ordre qui gouverne toutes choses, à travers toutes choses. Cet ordre est l’un qui fonde le fait que « tout est un », le logos éternel qui règne sur toutes les créatures ; c’est Dieu. Mais en affirmant que tout est un, Héraclite a à l’esprit une unité des opposés en conflit. « Dieu est jour nuit, hiver été, paix guerre, faim satiété ». Qui plus est, une telle unité se trouve également en nous. En notre sein, vie et mort, veille et sommeil, jeunesse et vieillesse ne font qu’un et se convertissent l’un en l’autre. C’est probablement ce qui sous-tend ses affirmations : « à l’âme appartient un logos (ordre du monde) qui s’accroît lui-même » et « il est donné à tous les hommes de se connaître soi-même et de bien-penser ». Il ne fait aucun doute que, chez lui, la quête de soi se confondait dès le début avec la quête du logos du monde changeant. Entre le feu originaire et toutes les choses, il reconnaît une relation de correspondance et d’alternance semblable à la façon dont l’or se change en biens et les biens en or ; et il semble considérer que le soi, compris comme totalité où l’âme (de nature ignée) et le corps ne font qu’un, est lui aussi plongé dans ce grand changement perpétuel du monde. Saisir cela paraît signifier, pour Héraclite, acquérir une sorte de sagesse divine au sens où, l’âme ne faisant plus qu’un avec le logos du monde en perpétuel changement, on appréhenderait celui-ci dans son ensemble depuis son fond le plus secret. Il prévient : « Tu ne saurais découvrir les limites de l’âme, même parcourant toutes les routes, tant est profond le logos (ordre, fondement) qu’elle possède ». Et que l’âme retourne au plus profond d’elle-même en même temps qu’au fond du monde, cela semble vouloir dire transcender la vie et la mort au sein de la vie et de la mort.
Nishitani Keiji
Walter Benjamin. La philosophie qui vient:
Citation :
Car si imprévisibles que puissent être les modifications que découvrira ici la recherche, la trichotomie du système kantien appartient aux pièces maîtresses de cette typologie qui est à conserver, et elle plus que tout autre doit être conservée. On peut se demander si la deuxième partie du système (pour ne rien dire de la difficulté de la troisième) doit encore se rapporter à l’éthique ou si la catégorie de causalité par liberté peut avoir une autre signification ; la trichotomie, dont on n’a pas encore découvert les implications les plus importantes sur le plan métaphysique, est déjà fondée de façon décisive, dans le système kantien, sur la triplicité des catégories de la relation. La trichotomie absolue du système, par laquelle justement celui ci se rapporte à l’ensemble du champ de la culture, constitue l’un des aspects qui confèrent au système de Kant sa supériorité historique sur ceux de ses prédécesseurs. La dialectique formaliste des systèmes post-kantiens, pourtant, ne repose point sur la définition de la thèse comme relation catégorique, de l’antithèse comme relation hypothétique et de la synthèse comme relation disjonctive. Cependant en dehors du concept de synthèse, celui d’une certaine non synthèse de deux concepts en un troisième prendra la plus haute importance systématique, car une autre relation que la synthèse est possible entre la thèse et l’antithèse. Ce qui ne pourra guère conduire, toutefois, à une quaternité des catégories de la relation.
Walter Benjamin. La philosophie qui vient (extrait).
Lambros Couloubaritsis. Logique archaïque, logique classique et moderne:
Citation :
Lévi Strauss, qui a le mieux établi l'usage de ces types de couples pour les civilisations archaïques, rapproche cela d'une logique binaire, songeant surtout à cette logique introduite par Boole, au siècle dernier, et qui joue aujourd'hui un rôle essentiel dans le fonctionnement de l'informatique. Mais aussi pertinente que soit cette observation, elle perd de vue l'essentiel de la logique archaïque, sa différence radicale avec la logique classique et moderne, introduite depuis Aristote, et qui domine, par ses principes, notre époque. En fait, l'organisation des couples est plus complexe, car alors que la logique binaire suppose une opposition stricte des termes, la logique de l'ambivalence suppose que chaque terme renferme en lui quelque chose de l'autre terme, comme le montrent les exemples que je viens de rappeler : Athéna prenant la forme humaine n'est pas une divinité qui est identique à elle même et qui s'oppose d'une façon radicale à l'homme, elle possède également quelque chose des possibilités humaines ; de même Ulysse et Diomède, une fois qu'ils discernent l'invisible, ne sont pas strictement humains, mais renferment en eux quelque chose de divin. Le symbole qui illustre sans doute le plus clairement le statut de cette logique archaïque appartient à une autre civilisation ; il s'agit du cercle symbolisant le Tao, séparé en deux parties par une ligne ondulée, dont chacune manifeste une trace (un point) de l'autre, la lumière renfermant de l'obscurité et l'obscurité de la lumière, et dont chacune renvoie aux deux principes du réel, le yang et le yin. Le Tao symbolise la voie par laquelle se manifeste la vie de la matrice de l'univers, et qui s'articule selon les deux forces opposées et complémentaires. Cela suffit à faire voir que le mode par lequel la pensée européenne peut entrer en dialogue avec les pensées non-européennes, pour découvrir leur proximité et en même temps leur irréductible rupture, passe par un approfondissement de la logique de l'ambivalence.
En fait, la logique de l'ambivalence s'accorde à une conception du réel qui accepte la coexistence du visible et de l'invisible et qui, pour dire et penser l'invisible, le rapporte toujours au visible, exprimant ainsi, par le discours, l'invisible comme s'il était un visible interprété, face à(et à partir d'un visible) dit, - ce qui complexifie aussitôt l'articulation à la fois de la pensée et du discours. C'est cette complexité qui est exprimée par la logique de l'ambivalence. C'est pourquoi, me semble t'il on a eu tort de la négliger dans le passé, en dénonçant la pensée archaïque (parlant de pensée "primitive", "pré-logique" ou "irrationnelle"), comme impliquant des contradictions. Or, celles-ci paraissent bien normales lorsqu'on se rend compte de la difficulté qu'il y a de dire en même temps un visible et un invisible selon des images visibles. C'est cette complexité du réel qui entraîne la complexité de la logique de l'ambivalence. A ce titre la logique archaïque doit être comprise comme un fond rationnel commun de l'humanité avant l'avènement (ou en dehors) de la pratique de la philosophie. Cette remarque fait voir que le relativisme culturel n'implique pas une distinction radicale entre les hommes (source de tous les racismes) ; il peut supposer un fond commun entre les hommes de notre planète, qui attestent l’/humanité/ comme leur nature commune.
Dès lors, il est à peine nécessaire de souligner que l'originalité de la pensée européenne tient dans sa rupture - du moins sur le plan théorique - avec l'usage de la logique de l'ambivalence, en /séparant/ les termes opposés, c'est à dire en refusant à chaque terme d'inclure en lui quelque chose d'un autre terme, c'est à dire en créant la contrariété (le blanc comme contraire au noir est toujours identique à lui même et il en va de même du noir) et la non contradiction, qui suppose qu'un terme ne peut contenir en même temps et sous le même rapport un attribut et sa négation. C'est cette /séparation/ (en grec : /krisis/) qui, en libérant la pensée de l'enchaînement conceptuel auquel se résigne la complémentarité des termes, a produit la logique binaire, dont la simplicité présente la propriété remarquable de rendre possible le déploiement des mathématiques ou l'activité prodigieuse des ordinateurs. Cela veut dire que la pensée européenne est née par une simplification et une clarification logiques. Nous verront que la tâche dominée par cette /krisis/, est principalement l'œuvre de Parménide, bien qu'elle soit déjà amorcée par ses prédécesseurs. Mais, pour l'instant, constatons cette modification dans la pensée humaine qui permet non pas, comme on le croit souvent, une complexification de la pensée, mais au contraire sa simplification, grâce à laquelle elle se découvre une efficacité prodigieuse dans la technique moderne.
Il est aujourd'hui bien connu que la société archaïque n'a rien de simple : en prenant en considération une réalité complexe, où s'enchevêtrent le visible et l'invisible, elle s'organise non seulement en fonction du visible (de l'univers, des hommes, des animaux, des plantes et des phénomènes de la nature) mais également en fonction d'un invisible peuplé de dieux, de puissances et de morts. C'est pourquoi il est plus difficile, si j'ose dire, de comprendre l'organisation d'un village archaïque avec quelques habitants, que le fonctionnement d'un ordinateur actuel, dont les matériaux et la logique qui le régissent sont analysables selon des méthodes précises.
Lambros Couloubaritsis, Aux origines de la philosophie européenne - De la pensée archaïque au néoplatonisme
Michel Cazenave. La conjonction des opposés, d'Héraclite à Carl Gustav Jung:
A propos de l'opposition coïncidence/conjonction :
Citation :
La coïncidence est en Dieu, avant la manifestation des opposés, tandis que la conjonction c'est un travail qu'on a a faire en tant qu'humain.
Citation :
Jung envisage le processus d'individuation essentiellement comme un travail de conjonction des opposés psychiques, comme la mise au monde d'une totalité ouverte a partir de forces contraires de complexes autonomes, comme par exemple le complexe du moi.
Citation :
La démarche de Jung me semble extrêmement proche de celle de Hegel, la véritable dialectique de Hegel. On passe de la thèse à l'antithèse par la négation de la thèse et la synthèse, c'est la négation de l'antithèse. C'est à dire comment ou on revient à la thèse à un niveau différent.
Citation :
L'inconscient, l'espace de l'agnosie divine, de la non connaissance divine. Dieu est dans son abime, il n'est pas conscient de lui même, pour devenir conscient de lui même, il est obligé de sortir de son abime et de se regarder, il n'y a jamais une conscience qui ne soit pas une conscience de quelque chose.
Citation :
Dieu crée les opposés dans la genèse : du chaos, il sépare la lumière des ténèbres, les eaux d'en bas et les eaux d'en haut
Romain Roland et Freud parlent du "Sentiment Océanique" :
Citation :
Le Sentiment Océanique, c'est le socle de la conjonction des opposés, c'est le niveau unitaire à condition de bien se rappeler que précisément il y a le niveau de l'opposition. Le Sentiment Océanique nous en avons besoin, c'est le fonde de l'expérience mystique, de l'union qui est poussée jusqu'à son terme, à la fusion, mais à la fusion à condition de bien se rappeler que la fusion, ce n'est pas la confusion, autrement dit la fusion, c'est la fusion de 1 et deux, alors c'est 2 qui font 1, je suis bien d'accord, mais qui ne font un que parce que il y a deux à nouveau. Disons que le Sentiment Océanique, c'est la condition de possibilité, ce n'est pas la conjonction des opposés en tant que telle, elle nous appelle à la conjonction des opposés.
Citation :
la profession de Chalcédoine finalement les gens ne la connaissent pas, ils auraient du lire le texte, on voit bien comment on est tout le temps dans la la conjonction des opposés, ce n'est que ça, ça ne désigne que ça, c'est à dire à la fois une chose et son contraire et les deux à la fois. Et lorsqu'on prend le Pseudo-Denys dans la théologie mystique, on voit très bien que c'est ça qu'il fait sans arrêt. Et Grégoire de Nysse dans la vie de Moïse lorsqu'il parle de l'état dans lequel on arrive ou dans les Lettres à Galos, etc., on voit très bien que c'est précisément tout le temps là, c'est comment être capable de dire une chose et son contraire en sachant que les deux sont vrais. Ça me fait penser un peu à la correspondance entre Niels Bohr et Einstein, comme on sait que Einstein était tellement opposé à la physique quantique il disait dans un lettre restée fameuse, "Mon cher Niels évidemment il n'y a que la physique quantique ou la relativité qui soit vraie, si l'une est vraie, l'autre est fausse". Et la réponse de Niels Bohr est absolument magnifique, en disant, "Mon cher Albert, rappelez vous que le contraire d'une vérité ce n'est pas forcément une erreur, c'est peut être une autre vérité". Or aujourd'hui nous savons que la relativité et la physique quantique sont vraies, alors comment les réconcilier, tout en sachant qu'elles prennent la réalité d'une manière tout à fait différente, effectivement et qui ne peut pas être réconciliée directement. On est obligé de changer de niveau.
Luna Pionnier
Type : INFP 4w5 sp/sx (ou Sx/Sp) Age : 30 Lieu : Entre la terre et le ciel Emploi : Amoureuse de l'amour Inscription : 19/02/2015 Messages : 2565
(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Ven 29 Juil 2016, 19:31
Intéressant ce que tu dis, ça me rappel que j'ai lu que le nombre de droitier est plus important dans la population que les gaucher, sûrement à cause de la sélection de l'homme depuis la préhistoire qui a favorisé le cerveau gauche au détriment du droit (l'intuition, l'irrationnalité ect). La main droite était le bien (et le cerveau gauche plus exploité) opposée à la main gauche le mal. L'article que je ne retrouve malheureusement plus, invité à découvrir d'avantage notre cerveau droit. Il disait que le futur devait sortir du monde rationnel pur de notre époque actuelle.
Je suis pour aussi, je n'aime pas cette époque du rationalisme à outrance.
Les médecins qui font appel à des soins non conventionnels, lorsque tout les autres ont échoué, sont raillés par leurs collègues et sont souvent obligés de pratiquer (ou conseiller) en cachette, sous risque d'être licencié ! (J'avais vu dans un reportage, qu'un médecin par exemple n'a pas le droit de recommander "un coupeur de feu" à un de ses patients lorsque toutes les autres méthodes ont échoué, sous peine de moquerie, de perte de crédibilité voir de licenciement !)
mumen Aucun rang assigné
Type : Discursif Age : 63 Lieu : Lille Inscription : 25/06/2016 Messages : 14
(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Ven 05 Aoû 2016, 17:28
Luna a écrit:
Intéressant ce que tu dis, ça me rappel que j'ai lu que le nombre de droitier est plus important dans la population que les gaucher, sûrement à cause de la sélection de l'homme depuis la préhistoire qui a favorisé le cerveau gauche au détriment du droit (l'intuition, l'irrationnalité ect).
C'est la première fois que je lis cette interprétation. Elle est invérifiable dans l'état, mais elle ouvre des gouffres de pensée. La main droite, la dextre est celle de l'extérieur pour tout le monde, elle est celle qui domine pour les habiletés et ainsi comporte un rôle implicite. Le problème est de savoir ce qu'est le rôle de la main gauche, celle dite senestre (sinistre). Selon le principe, le yin/yang, le gauche est premier, le droit est fort. On a fini par penser que le fort était tout et qu'il fallait finalement éradiquer le faible, laissant le gauche dans une péjoration automatique. De là à penser que les droitiers ont été sélectionnés, je ne crois pas. Pour répondre à cette question, il faut d'abord faire la part des choses, faire le ménage, comme pour l'opposition femme/homme. L'outil caractérologique est un moyen de ce ménage, c'est mon credo.
Pour le reste de ton message, je suis en accord, la rationalité n'est pas le problème en soi, c'est son hégémonie qui devient beaucoup trop envahissante.
mumen Aucun rang assigné
Type : Discursif Age : 63 Lieu : Lille Inscription : 25/06/2016 Messages : 14
(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Ven 05 Aoû 2016, 17:40
J'ai commencé ce fil par une description extrêmement rapide et affirmative de l'histoire du Principe. Cette histoire affirme premièrement que le Principe est. Elle affirme ensuite que les hommes s'en sont éloignés, en étudiant sommairement trois formes d'éloignement qui me semblent les plus significatives : la monothéiste, la philosophique et la chinoise.
Comme je l'ai dit, la civilisation contemporaine, dominée par les deux premiers courants, est bâtie sur cet éloignement et grâce à lui. J'ai mentionné le critère symptomatique essentiel qu'est le contraire de la raison assimilé implicitement à une péjoration. Il existe un second critère oppositionnel essentiel et classique, qui est tout aussi révélateur d'un malaise que le premier, qui a fondé les pensées depuis l'antiquité. C'est l'opposition entre corps et esprit.
Le malaise est très différent pour cette deuxième opposition que pour la première. Si l'irrationnel est considéré comme inexistant pour les puristes, ici, c'est la pensée qui l'est par les matérialistes qui dominent toute la science, au profit exclusif du corps qui est considéré comme un objet manipulable à l'envie. Ce déni d'existence officiel de la pensée a pour corollaire étonnant la considération que la pensée est première, c'est-à-dire que les idées existent indépendamment de la matière et avant elle. C'est une vision platonicienne qui a encore largement cours dans sa lignée. Être matérialiste et platonicien implique donc une espèce de schizophrénie.
Nous avions vu que la dualité du Bien et du Mal était une interprétation opportuniste, une ruse éducative si l'on veut, de celle entre la raison et son mystérieux contraire. Nous voyons maintenant que la trinité chrétienne du Père, du Fils et du Saint-Esprit est, elle, basée sur l'opposition Corps/Esprit. Le Père, élément masculin dans notre culture est considéré comme neutre ou englobant ailleurs. Le Fils est précisément la matérialisation de Dieu sur terre, il est le Corps. Le Saint-Esprit ne pose pas de question, puisqu'il comporte son explicitation d'Esprit. Le fait que les trois parties de cette trinité soient de genre masculin révèle un malaise. Dieu le Père devrait être pensé comme neutre, le Fils comme féminin et l'Esprit, seul non explicitement genré, devrait être la part masculine de la trinité en question.
Ce qui nous intéresse pour la suite, ce n'est pas que ces deux oppositions soient mal considérées par le contemporain ni que les oppositions en général le soient. Il est important que leur compréhension soit dégagée de ces préjugés, pour en revenir à la neutralité principielle qui devrait importer plus que tout à tous les humains. Car, si ces deux oppositions dans cet ordre sont premières pour toute pensée construite, elles sont aussi la source des deux premiers traits de toute caractérologie.
Et c'est ici que la caractérologie montre son prodigieux intérêt, car elle est exactement ce qui peut nous permettre de nous dégager de tels préjugés, puisqu'elle est fondée sur cette même neutralité si décisive : il n'y a pas de caractère supérieur aux autres, tous font partie du réel et ont leur utilité dans la danse du monde.
Je viens de dévoiler le fondement de cette néocaractérologie dont je parlerai par la suite. Il faut retenir que l'étude du principe est aussi celle de la caractérologie, et réciproquement. L'outil est le même, les métaphores sont compatibles.
Nous devons parler d'abord de l'outil.
L'étude du principe, je l'ai évoqué s'est arrêtée principalement par faute de matière. Quand Pythagore signe dix dualités, il se trompe cinq fois de signature, soit une chance sur deux. Son intuition est pourtant correcte, le travail qu'il produit pour établir ces signatures est quand même la recherche du principe. Quand Hippocrate désigne une quaternité imbriquée dans celle des quatre éléments, celle connue du chaud/froid et sec/humide, il imbrique des oppositions bancales, mais d'une façon très juste que nous comprendrons ensuite. Son intuition et sa recherche sont tout aussi correctes et pertinentes que celles de Pythagore. Comme Héraclite à la même époque, ils perçoivent le fonctionnement des opposés, mais ils manquent de quelque chose sans le savoir. Ce quelque chose, c'est la culture scientifique au sens large du terme, c'est à dire d'abord philosophique. Cette culture générale nous met en face d'une énorme quantité de dualités ou oppositions qui ne demandent qu'à être mises en structure. Cet appel est celui d'une représentation spéciale de la dualité, de la trinité, et des autres formes "sacrées" des mythologies, cosmogonies, etc. La réputation de faiblesse de la recherche des opposés est telle de nos jours que personne n'a entendu cet appel, ou du moins personne n'a su dépasser la représentation forcée de la quaternité sous forme d'un carré, ayant le cas échéant un centre, que ce soient les penseurs chinois ou les rares penseurs occidentaux qui ont vraiment rêvé cette écriture, à savoir Heidegger et Jung.
Il est difficile de comprendre pourquoi les penseurs chinois sont passés à côté de cette écriture. Ils avaient pourtant un matériel conceptuel encore plus considérable qu'on ne le pense généralement aujourd'hui et ont réalisé un ensemble de signatures quasi irréprochables qui sont la source même de toute possibilité de compréhension contemporaine du Principe. Nous verrons qu'en outre, ils ont représenté au moins une fois cette écriture en marge du Yi-King, en même temps qu'ils ont conçu l'aphorisme dont je parlais au préalable qui, lui seul, unit les deux notions considérées distinctes Tao, et Yin/Yang.
Notre dette envers eux à cet égard est immense. Personne ne semble avoir considéré à leur juste valeur les écrits de Marcel Granet, cet éminent sinologue français.
Comment je me suis retrouvé concepteur d'une chose déjà conçue et oubliée en même temps 2500 en arrière ? Déjà parce que malgré une formation à base rationnelle, mon éducation et les aléas de ma vie m'ont laissé libre de penser tout seul. Contrairement au proverbe, je savais que c'était impossible, mais je voulais découvrir cela moi même, avec une infinie prudence et un infini respect, comme j'ai toujours fait pour les choses qui me happent. La plus grande difficulté théorique était là, de passer outre aux injonctions banales (ridicule, stupide, n'importe quoi, etc.), mon inculture m'y a grandement aidé, mais aussi ma méfiance pour les convenances toujours imposées, mais jamais expliquées. Qu'importe en fait, je l'ai dit, le hasard n'y est pas pour tout, ce type de découverte découle logiquement de l'accumulation historique des connaissances parvenue à un point excessif, conjointement au monumental mode d'appropriation de ces connaissances qu'est Internet. Ce savoir, le Principe, s'il est vraiment ce que je crois qu'il est et que je vous décris ici, ce savoir est inéluctable, il suffit qu'il soit dit une fois, il ne peut que se voir approprié, par quelque penseurs d'abord et par tous ensuite.
Foin de grandiloquence. Pour aboutir à ce que je veux faire ici, il faut en passer par ma thèse centrale qui est l'exposé d'un procédé technique pour inscrire les séries formelles du Principe que l'on peut appeler aussi Sagesse. C'est à mentionner, ce procédé que je vais vous exposer ici est, le plus précisément possible, un mode d'emploi de la Sagesse. Cet aspect technique essentiel, je l'ai résolu, du moins j'ai commencé à le faire et des révélations ont suivi. Je vais vous l'exposer en quelques chapitres, je n'ai pas encore décidé de leur nombre et de leur périodicité. Le fait est que l'écriture analogique peut sembler simple pour qui se contente de peu, mais en réalité, la complexité des possibles qu'il révèle croît rapidement au fur et à mesure que l'on explore des pans de connaissance avec lui. J'ai passé vingt années de ma vie à réfléchir à ce que j'ai condensé en quelques "petits dessins" et je suis persuadé qu'il faudra à toute personne s'y penchant avec sincérité et modestie des années pour rejoindre l'espèce de surplomb qu'il m'a apportée par petites touches, surplomb qui me permet parfois de penser telle ou telle erreur élémentaire de raisonnement chez des gens éminents dont je ne comprends pourtant pas toute la pensée, loin de là, simplement, il leur manque un truc, un truc compliqué certes, mais finalement assez basique...
Cet exposé doit, pour le cadre de ce forum, donner suite à une monstration du caractérologique qui est plus simple que l'étude du Principe en général, mais qui est très vaste. C'est là que je vais prendre du plaisir à écrire pour vous, puisque les chapitres d'explication des équations analogiques sont déjà plus ou moins écrits. J'ai simplement le souci de ne pas tout balancer d'un coup, c'est juste trop dense.