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 Les clairières du Tao

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mumen
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mumen

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Message(#) Sujet: Les clairières du Tao Les clairières du Tao Icon_minitimeVen 22 Juil 2016, 18:47

La recherche du Principe Universel est ce qui a préoccupé partout dans le monde les penseurs de l'antiquité, pendant des millénaires. Cette recherche était complexe et délicate. Elle a progressivement perdu de l'intérêt et s'est finalement complètement endormie, au point que, de nos jours, évoquer l'idée d'un Principe Universel, c'est plus ou moins passer pour un illuminé.

Après l'époque antique les choses ont beaucoup changé. C'est de l'histoire : l'abandon du Principe et de sa grande subtilité a permis le développement de la rationalité, dont les premiers attributs sont d'être tranchée et simplifiante. Avec l'évolution fantastique qu'on lui connaît, la rationalité nous a procuré une somme gigantesque de savoirs et techniques d'une cohérence extrême. Mais cet apport, parce qu'il est fondé sur une volonté de négation, a un coût énorme auquel nous sommes aujourd'hui planétairement, dramatiquement, confrontés.

La Raison (du scientifique par exemple) n'est par nature tenue ni à la morale ni à la sagesse. C'est un fait qui n'a rien de choquant en soi. Ce qui est problématique, c'est la radicalisation de la Raison opérée à partir de Descartes et des Lumières. La raison, devenue hégémonique est désormais supposée être la référence en toute choses. Vue comme d'essence supérieure et comme complète en soi, elle est sensée remplacer à terme toute autre forme de pensée. Ceci est une pure folie.

Cette folie peut se résumer en un seul et unique mot, adopté unilatéralement de nos jours pour signifier le contraire de ce qu'elle est. Avant d'inscrire ce terme scandaleux, faisons tout de suite une incursion en philosophie. Voyons les aphorismes de deux penseurs très distants l'un de l'autre, pour deux citations très proches, le philosophe Pascal d'abord puis le physicien Niels Bohr ensuite :

Citation :
Le contraire d'une vérité n'est pas l'erreur, mais une vérité contraire.
Citation :
Le contraire d'une vérité triviale est le faux, le contraire d'une vérité profonde est une autre vérité profonde.

A la question, "Quel est le contraire du Rationnel ?", Rationnel qui est une vérité profonde, la réponse uniforme du monde contemporain est : l'Irrationnel. Nous le voyons, la vérité profonde contraire du Rationnel, est une négation, un faux. C'est d'autant plus troublant que l'irrationnel est connoté péjorativement : il est ce dont on affuble l'esprit des femmes, des croyants, des faibles, des fous, etc. Il a pour synonyme la déraison. C'est une vérité profonde qui est une insulte à qui voudrait s'en réclamer...

Ainsi, par cette toute simple superposition de deux faits courants de la philosophie, nous voici placés devant un choix cornélien : soit la Raison est déraisonnable, soit Pascal et Bohr, pour ne citer qu'eux, sont dans l'erreur, sans doute parce que le Principe sur lequel ils fondent leur expérience n'existe pas. Il y a tant de penseurs qui ont fondé ou fondent explicitement leur œuvre sur les opposés, principe que de toute façon tout le monde utilise constamment, qu'une telle dénégation arbitraire ne devrait certainement pas pouvoir faire loi, en tout cas dans un monde... raisonnable. C'est pourtant ce qui arrive tout le temps, absolument à tous les étages du savoir et de la technique contemporains.

C'est dans ce traitement officiel, uniforme et injustifié de ce qui s'avère être la première dualité de toute la pensée structurée de l'humanité, précisément en fonction de quoi elle s'est d'abord structurée, que se révèle le symptôme le plus violent du dérèglement auquel le monde est confronté aujourd'hui.

On doit impérativement raconter l'histoire de ce "coup d'état", on doit expliquer calmement comment il a été possible, comment il a été nécessaire, prendre du recul dessus. C'est incontournable si l'on désire avancer vers une guérison, synonyme d'évolution, à l'échelle de la civilisation. Ce mouvement se nomme "Faire Retour", il est habituellement imagé par une spirale symbolisant le fait de revenir au point de départ, mais en ayant acquis une force supplémentaire.

La Raison a débordé son cadre pour envahir des lieux de la pensée qui ne lui incombent en rien. La sagesse et la morale ont progressivement déserté les fonctionnements individuels et ceux des institutions, pour aboutir à ce monde tellement technicisé qu'il ne maîtrise plus sa technique. Un système tellement puissant est en marche qu'il semble s'être délesté des hommes qui l'ont produit.

On parle souvent du problème de l'évolution humaine récente, comme s'étant faite trop dans un sens, celui de la technologie, et pas assez dans un autre, la sagesse. J'abonde dans cette explication par l'application du Principe Universel : il manque cruellement à notre civilisation-monde une unification spirituelle, est perdu un développement du "cœur" là où la "tête" domine exclusivement. Nous l'avons perdu avec la perte du Principe.

Je crois et je vais montrer pourquoi cette dramatique dissymétrie comporte sa solution. La condition est de faire retour aux sagesses anciennes. Tout ce savoir doit s'ordonner d'abord, non pas selon les classements artificiels et tranchés de la disciplinarité scientifique, mais selon ceux, naturels et subtils de l'ordre du monde.

Je ne pense pas ceci tout seul. Même si le Principe a été tellement bien oublié qu'il ressemble aujourd'hui à une question taboue, des générations de penseurs se sont succédées se servant plus ou moins explicitement du Principe. Ici une citation de Martin Heidegger, l'un des penseurs considéré comme les plus influents du XXéme siècle.

Citation :
« Il faut une méditation à contre-courant pour regagner ce qu'une mémoire tient pour nous, de toute antiquité, en réserve»

Vous ne verrez jamais écrit nulle part que Heidegger a consacré sa vie à l'étude du Principe Universel, mais c'est pourtant ce qu'il a fait avec le quadriparti (geviert en allemand), "l'unique idée", "la question fondamentale".

Citation :
Quelle est, en conséquence, la tâche assignée au penseur ? Trouver "la loi" et "la modalité fondamentale" de cet ajointement - ou de ce resserrement - de l'être avec lui-même, en d'autres termes encore, son "principe" qui, dans sa simplicité se fond avec l'être lui-même.

Heidegger et Hölderlin : Le Quadriparti.  Jean-François Mattei.

Heidegger est un penseur difficile, qui emploie souvent une écriture quasi prophétique. Je mets ensuite un texte étonnant qui fait suite à l'aphorisme du dessus. Cette lecture est ardue, il vaut peut être mieux laisser entrer en soi certaines tournures et glisser sur le reste.

Heidegger - La fin de la philosophie et la tâche de la pensée - Conférence de 1964:

Heidegger - Commentaire sur la conférence de 1964:
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mumen
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Message(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Les clairières du Tao Icon_minitimeVen 29 Juil 2016, 18:00

Le Principe peut se désigner en très peu de mots :

le Un se décompose en deux pôles opposés entre eux.

Le Un est aussi vu comme le Tout, ou la Monade, etc. Les oppositions s'expriment à travers toutes les dualités, qu'elles soient divines ou non. Outre la Monade et la Dualité, les autres formes du Principe qui se rencontrent parfois dans les diverses cosmogonies/religions antiques sont la Triplicité et la Quaternité. La Triplicité est toujours constituée d'un terme désignant l'Un qui se subdivise en deux termes opposés entre eux. Une somme de trois termes équivalents sur un même plan, comme par exemple les trois couleurs fondamentales ou les trois dimensions de l'espace ne peut pas être considéré comme une triplicité principielle dans la mesure ou l'un des trois ne contient pas les deux autres. Les quaternités sont nécessairement sur un même plan de sens. Elles résultent de deux subdivisions duales, nous aurons l'occasion d'en parler. La plus célèbre d'entre elle est sans équivoque celle des quatre éléments.

La théologie a figuré le Principe au moyen d'une dualité construite, celle du Bien et du Mal. Le Principe est par définition neutre et ses appellations et ne devraient comporter aucun jugement de quoi que ce soit.  Or, la dualité fondatrice des trois monothéismes se repose explicitement sur un jugement de valeur, qui est artificiel et ainsi peut recouvrir littéralement ce qu'on veut au gré des situations.

Citation :
Zoroastre prêchait un dualisme apparent, qui reposait sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Le principe de Zoroastre est qu'il existe un esprit saint (Spenta Mainyu), fils d'Ahura Mazda, et un esprit mauvais (Angra Mainyu) (pehlevi Ahriman), son jumeau, tous deux opposés car représentant le jour et la nuit, la vie et la mort. Ces deux esprits coexistent dans chacun des êtres vivants.

La philosophie s'est scindée avec Parménide et le "Non !" virulent qu'il oppose à tout ce qui n'existe pas, à commencer par le néant, et qui ne peut être dit, ni même évoqué.

Citation :
La pensée de Parménide se fonde sur les exigences de la logique. Les impossibilités logiques sont des impossibilités ontologiques. Il dit : je peux dire "l'être est", mais je ne peux pas dire "le non-être est". Pourquoi ? Parce que ce serait une contradiction, ce serait me contredire.
[...]
Je ne peux pas dire "le non-être est" ; par conséquent je ne dois même pas prononcer le mot "non-être" : ce serait lui donner l'être dans la langue, ce qui est déjà contradictoire et un abus de langage.

Jeanne Hersch L'étonnement philosophique.

Avec Parménide naît toute véritable possibilité de rationalité pure, dégagée de croyance. C'est un pas de géant pour l'humanité. Le problème qui en survient est plus tardif, c'est que d'une méthode on a fini par faire fait une religion qui s'ignore, puisqu'elle ne se reconnaît pas comme telle, qui se construit même comme contraire à toute religion. Les croyances irrationnelles classiques (Dieu, l'Amour, etc.) sont remplacées par d'autres croyances irrationnelles jamais questionnées. La philosophie telle qu'on l'entend aujourd'hui, mère de toutes les sciences, commence parce que les penseurs après Parménide ont cessé de chercher la sagesse du Principe. C'est ça le plus troublant : la philosophie contemporaine, et toute science à sa suite, n'est ni aimante ni intéressée par la Sagesse. "Philosophie" est une appellation qui ne veut plus du tout dire ce qui correspond à son étymologie. C'est pour cela que personne ne peut parvenir à en donner une définition.

Avec Parménide, des tas de choses sont "soudain" devenues irrelevantes, inexistantes. Des tas de mots sont devenus "libres" de contenu, puisqu'ils désignaient des choses qui ne devaient plus être nommées, selon une logique qui ne devait plus être utilisée. Ainsi des renversements de sens ont pu être opérés en toute tranquillité. Le rejet du Principe a conduit à relativiser tout un vocabulaire pourtant immanent, ce qui a produit le désordre considérable qu'est la philosophie d'aujourd'hui, véritable écurie d'Augias où chaque mot est fondé et n'a donc de sens qu'en fonction d'un moment et d'un penseur donnés.

La théologie et la philosophie sont entremêlées historiquement et ni l'une ni l'autre n'est capable de résoudre les freins à l'évolution qu'elles représentent désormais. Ce ne sont pas les prétendues "Mort de Dieu" et "Fin de l'Histoire" qui y changeront quoi que ce soit.

Le Principe est partout. Sa réinterprétation par la théologie et son oubli par la philosophie ont été des facteurs majeurs de notre évolution, c'est absolument certain, mais il faut passer à autre chose qui mette ces deux immenses courants de pensée à égalité au sein d'un Principe plus simple, plus élémentaires qu'elles et qui les contient toutes les deux. Dans le monde antique, un autre courant de pensée majeur a bien mieux su théoriser le Principe que les nôtres. Il est plus qu'utile, il est indispensable, de remettre les choses à leur place légitime à propos de ce courant de pensée, puisque sans lui, sans sa providentielle sagesse, nous serions condamnés à ne rien pouvoir faire d'autre que de mener encore et toujours ces délirantes guerres d'éradications de ce qui ne peut strictement pas être éradiqué : l'autre pôle.

La civilisation chinoise est celle qui a poussé le plus loin l'étude systématique du Principe, en étant la seule à avoir fermement établi ce que je nomme, puisque personne ne semble avoir nommé cette délicate et géniale pratique : la signature des opposés, à laquelle seul Pythagore pour l'occident semble s'être explicitement adonné.

Quand on parle du Principe selon les Chinois, il est un fait absolument remarquable qu'il faut connaître, fait étrangement synchrone avec la limitation des courants de pensées occidentaux : les penseurs Chinois, après avoir sans aucune équivoque réalisé la la plus fantastique, la plus décisive découverte métaphysique en terme d'évolution de la pensée construite, se sont arrêtés là, au bord d'un chemin prodigieux, laissant littéralement en friche une terre extraordinairement prolifique. Certes, ils ont, à partir du Principe construit toutes leurs sciences, leurs arts, etc., leur civilisation en fait, mais ils n'ont ni généralisé ni consolidé la gigantesque découverte fondamentale qu'ils ont inscrite en un simple aphorisme, le plus profond de tout ce qui a jamais été prononcé, écrit.

Citation :
Yi yin yi yang zhi wei dao
Qui peut se dire :
Citation :
Un Yin, un Yang, c'est le Tao

Après 2500 ans, un travail alors déjà entièrement préparé, entièrement délimité reste à réaliser. Ne nous leurrons pas, ce travail est devenu assez simple à cause de l'évolution que l'humanité à vécue durant tout ce temps. Il n'est pas question de génie particulier ou nouveau pour réfléchir à une telle grandeur, mais de ce que tout homme sait faire, se concentrer, apprendre, pratiquer, échanger, etc. En effet, durant ces millénaires nous avons acquis une somme immense de matériaux conceptuels, qui, bien que résolument accumulés sans l'apport du Principe, nous y a constamment ramenés. Il est temps de faire une moisson d'or, nous y sommes prêts, nous en avons les moyens, nous en avons besoin, c'est le temps de revenir à la Sophia Perennis.


Dans la suite de ce message, je place quelques références historiques clés à propos du Principe.

Héraclite:
Walter Benjamin. La philosophie qui vient:
Lambros Couloubaritsis. Logique archaïque, logique classique et moderne:
Michel Cazenave. La conjonction des opposés, d'Héraclite à Carl Gustav Jung:
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Luna
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Message(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Les clairières du Tao Icon_minitimeVen 29 Juil 2016, 19:31

Intéressant ce que tu dis, ça me rappel que j'ai lu que le nombre de droitier est plus important dans la population que les gaucher, sûrement à cause de la sélection de l'homme depuis la préhistoire qui a favorisé le cerveau gauche au détriment du droit (l'intuition, l'irrationnalité ect).
La main droite était le bien (et le cerveau gauche plus exploité) opposée à la main gauche le mal.
L'article que je ne retrouve malheureusement plus, invité à découvrir d'avantage notre cerveau droit. Il disait que le futur devait sortir du monde rationnel pur de notre époque actuelle.


Je suis pour aussi, je n'aime pas cette époque du rationalisme à outrance.

Les médecins qui font appel à des soins non conventionnels, lorsque tout les autres ont échoué, sont raillés par leurs collègues et sont souvent obligés de pratiquer (ou conseiller) en cachette, sous risque d'être licencié ! (J'avais vu dans un reportage, qu'un médecin par exemple n'a pas le droit de recommander "un coupeur de feu" à un de ses patients lorsque toutes les autres méthodes ont échoué, sous peine de moquerie, de perte de crédibilité voir de licenciement !)
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Message(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Les clairières du Tao Icon_minitimeVen 05 Aoû 2016, 17:28

Luna a écrit:
Intéressant ce que tu dis, ça me rappel que j'ai lu que le nombre de droitier est plus important dans la population que les gaucher, sûrement à cause de la sélection de l'homme depuis la préhistoire qui a favorisé le cerveau gauche au détriment du droit (l'intuition, l'irrationnalité ect).

C'est la première fois que je lis cette interprétation. Elle est invérifiable dans l'état, mais elle ouvre des gouffres de pensée. La main droite, la dextre est celle de l'extérieur pour tout le monde, elle est celle qui domine pour les habiletés et ainsi comporte un rôle implicite. Le problème est de savoir ce qu'est le rôle de la main gauche, celle dite senestre (sinistre). Selon le principe, le yin/yang, le gauche est premier, le droit est fort. On a fini par penser que le fort était tout et qu'il fallait finalement éradiquer le faible, laissant le gauche dans une péjoration automatique. De là à penser que les droitiers ont été sélectionnés, je ne crois pas. Pour répondre à cette question, il faut d'abord faire la part des choses, faire le ménage, comme pour l'opposition femme/homme. L'outil caractérologique est un moyen de ce ménage, c'est mon credo.

Pour le reste de ton message, je suis en accord, la rationalité n'est pas le problème en soi, c'est son hégémonie qui devient beaucoup trop envahissante.
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Message(#) Sujet: Re: Les clairières du Tao Les clairières du Tao Icon_minitimeVen 05 Aoû 2016, 17:40

J'ai commencé ce fil par une description extrêmement rapide et affirmative de l'histoire du Principe. Cette histoire affirme premièrement que le Principe est. Elle affirme ensuite que les hommes s'en sont éloignés, en étudiant sommairement trois formes d'éloignement qui me semblent les plus significatives : la monothéiste, la philosophique et la chinoise.

Comme je l'ai dit, la civilisation contemporaine, dominée par les deux premiers courants, est bâtie sur cet éloignement et grâce à lui. J'ai mentionné le critère symptomatique essentiel qu'est le contraire de la raison assimilé implicitement à une péjoration. Il existe un second critère oppositionnel essentiel et classique, qui est tout aussi révélateur d'un malaise que le premier, qui a fondé les pensées depuis l'antiquité. C'est l'opposition entre corps et esprit.

Le malaise est très différent pour cette deuxième opposition que pour la première. Si l'irrationnel est considéré comme inexistant pour les puristes, ici, c'est la pensée qui l'est par les matérialistes qui dominent toute la science, au profit exclusif du corps qui est considéré comme un objet manipulable à l'envie. Ce déni d'existence officiel de la pensée a pour corollaire étonnant la considération que la pensée est première, c'est-à-dire que les idées existent indépendamment de la matière et avant elle. C'est une vision platonicienne qui a encore largement cours dans sa lignée. Être matérialiste et platonicien implique donc une espèce de schizophrénie.

Nous avions vu que la dualité du Bien et du Mal était une interprétation opportuniste, une ruse éducative si l'on veut, de celle entre la raison et son mystérieux contraire. Nous voyons maintenant que la trinité chrétienne du Père, du Fils et du Saint-Esprit est, elle, basée sur l'opposition Corps/Esprit. Le Père, élément masculin dans notre culture est considéré comme neutre ou englobant ailleurs. Le Fils est précisément la matérialisation de Dieu sur terre, il est le Corps. Le Saint-Esprit ne pose pas de question, puisqu'il comporte son explicitation d'Esprit. Le fait que les trois parties de cette trinité soient de genre masculin révèle un malaise. Dieu le Père devrait être pensé comme neutre, le Fils comme féminin et l'Esprit, seul non explicitement genré, devrait être la part masculine de la trinité en question.

Ce qui nous intéresse pour la suite, ce n'est pas que ces deux oppositions soient mal considérées par le contemporain ni que les oppositions en général le soient. Il est important que leur compréhension soit dégagée de ces préjugés, pour en revenir à la neutralité principielle qui devrait importer plus que tout à tous les humains. Car, si ces deux oppositions dans cet ordre sont premières pour toute pensée construite, elles sont aussi la source des deux premiers traits de toute caractérologie.

Et c'est ici que la caractérologie montre son prodigieux intérêt, car elle est exactement ce qui peut nous permettre de nous dégager de tels préjugés, puisqu'elle est fondée sur cette même neutralité si décisive : il n'y a pas de caractère supérieur aux autres, tous font partie du réel et ont leur utilité dans la danse du monde.

Je viens de dévoiler le fondement de cette néocaractérologie dont je parlerai par la suite. Il faut retenir que l'étude du principe est aussi celle de la caractérologie, et réciproquement. L'outil est le même, les métaphores sont compatibles.

Nous devons parler d'abord de l'outil.

L'étude du principe, je l'ai évoqué s'est arrêtée principalement par faute de matière. Quand Pythagore signe dix dualités, il se trompe cinq fois de signature, soit une chance sur deux. Son intuition est pourtant correcte, le travail qu'il produit pour établir ces signatures est quand même la recherche du principe. Quand Hippocrate désigne une quaternité imbriquée dans celle des quatre éléments, celle connue du chaud/froid et sec/humide, il imbrique des oppositions bancales, mais d'une façon très juste que nous comprendrons ensuite. Son intuition et sa recherche sont tout aussi correctes et pertinentes que celles de Pythagore. Comme Héraclite à la même époque, ils perçoivent le fonctionnement des opposés, mais ils manquent de quelque chose sans le savoir. Ce quelque chose, c'est la culture scientifique au sens large du terme, c'est à dire d'abord philosophique. Cette culture générale nous met en face d'une énorme quantité de dualités ou oppositions qui ne demandent qu'à être mises en structure. Cet appel est celui d'une représentation spéciale de la dualité, de la trinité, et des autres formes "sacrées" des mythologies, cosmogonies, etc. La réputation de faiblesse de la recherche des opposés est telle de nos jours que personne n'a entendu cet appel, ou du moins personne n'a su dépasser la représentation forcée de la quaternité sous forme d'un carré, ayant le cas échéant un centre, que ce soient les penseurs chinois ou les rares penseurs occidentaux qui ont vraiment rêvé cette écriture, à savoir Heidegger et Jung.

Il est difficile de comprendre pourquoi les penseurs chinois sont passés à côté de cette écriture. Ils avaient pourtant un matériel conceptuel encore plus considérable qu'on ne le pense généralement aujourd'hui et ont réalisé un ensemble de signatures quasi irréprochables qui sont la source même de toute possibilité de compréhension contemporaine du Principe. Nous verrons qu'en outre, ils ont représenté au moins une fois cette écriture en marge du Yi-King, en même temps qu'ils ont conçu l'aphorisme dont je parlais au préalable qui, lui seul, unit les deux notions considérées distinctes Tao, et Yin/Yang.

Notre dette envers eux à cet égard est immense. Personne ne semble avoir considéré à leur juste valeur les écrits de Marcel Granet, cet éminent sinologue français.

Comment je me suis retrouvé concepteur d'une chose déjà conçue et oubliée en même temps 2500 en arrière ? Déjà parce que malgré une formation à base rationnelle, mon éducation et les aléas de ma vie m'ont laissé libre de penser tout seul. Contrairement au proverbe, je savais que c'était impossible, mais je voulais découvrir cela moi même, avec une infinie prudence et un infini respect, comme j'ai toujours fait pour les choses qui me happent. La plus grande difficulté théorique était là, de passer outre aux injonctions banales (ridicule, stupide, n'importe quoi, etc.), mon inculture m'y a grandement aidé, mais aussi ma méfiance pour les convenances toujours imposées, mais jamais expliquées. Qu'importe en fait, je l'ai dit, le hasard n'y est pas pour tout, ce type de découverte découle logiquement de l'accumulation historique des connaissances parvenue à un point excessif, conjointement au monumental mode d'appropriation de ces connaissances qu'est Internet. Ce savoir, le Principe, s'il est vraiment ce que je crois qu'il est et que je vous décris ici, ce savoir est inéluctable, il suffit qu'il soit dit une fois, il ne peut que se voir approprié, par quelque penseurs d'abord et par tous ensuite.

Foin de grandiloquence. Pour aboutir à ce que je veux faire ici, il faut en passer par ma thèse centrale qui est l'exposé d'un procédé technique pour inscrire les séries formelles du Principe que l'on peut appeler aussi Sagesse. C'est à mentionner, ce procédé que je vais vous exposer ici est, le plus précisément possible, un mode d'emploi de la Sagesse. Cet aspect technique essentiel, je l'ai résolu, du moins j'ai commencé à le faire et des révélations ont suivi. Je vais vous l'exposer en quelques chapitres, je n'ai pas encore décidé de leur nombre et de leur périodicité. Le fait est que l'écriture analogique peut sembler simple pour qui se contente de peu, mais en réalité, la complexité des possibles qu'il révèle croît rapidement au fur et à mesure que l'on explore des pans de connaissance avec lui. J'ai passé vingt années de ma vie à réfléchir à ce que j'ai condensé en quelques "petits dessins" et je suis persuadé qu'il faudra à toute personne s'y penchant avec sincérité et modestie des années pour rejoindre l'espèce de surplomb qu'il m'a apportée par petites touches, surplomb qui me permet parfois de penser telle ou telle erreur élémentaire de raisonnement chez des gens éminents dont je ne comprends pourtant pas toute la pensée, loin de là, simplement, il leur manque un truc, un truc compliqué certes, mais finalement assez basique...

Cet exposé doit, pour le cadre de ce forum, donner suite à une monstration du caractérologique qui est plus simple que l'étude du Principe en général, mais qui est très vaste. C'est là que je vais prendre du plaisir à écrire pour vous, puisque les chapitres d'explication des équations analogiques sont déjà plus ou moins écrits. J'ai simplement le souci de ne pas tout balancer d'un coup, c'est juste trop dense.
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